– Nadia El Mabrouk « La laïcité est un grand pas vers la liberté et l’émancipation »

Nadia El Mabrouk « La laïcité est un grand pas vers la liberté et l’émancipation. »

Avertissement : Ceci est un document de travail d’une traduction pour anglophones, il devait figurer à l’origine sous le texte traduit en anglais mais pour des raisons de mise en page et de présentation il était plus lisible de séparer les deux versions. Il s’agit d’extraits d’articles et/ou entrevues, afin d’introduire les idées des autrices au grand public, mais en aucun cas d’un compte rendu exhaustif de leurs pensées… Afin de mieux les connaître n’hésitez pas à acheter leurs livres ! Merci pour votre compréhension.
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Nadia El-Mabrouk est québécoise d’origine Tunisienne. Elle a effectué toutes ses études primaires et secondaires en Tunisie, puis ses études universitaires en France. Après son doctorat en informatique théorique de l’Université Paris VII, elle a rejoint le Québec pour effectuer un stage Postdoctoral au Centre de Recherche Mathématiques de l’Université de Montréal. Elle est actuellement professeure titulaire au Département d’Informatique de l’Université de Montréal. Son domaine de recherche est la bio-informatique. Nadia El-Mabrouk est par ailleurs membre de l’Association Québécoise des Nord-Africains pour la Laïcité et de l’organisme Pour les Droits des Femmes du Québec (PDF Québec). Féministe et laïque, elle tente de faire entendre sa voix au Québec, malgré les attaques et la censure… Elle a toute notre admiration et notre soutien !

Voile :

« Comme toute femme, notre identité s’est construite à travers un long cheminement socioculturel, ethnico-linguistique, académique et professionnel. Les femmes musulmanes n’ont d’ailleurs pas les mêmes repères culturels qu’elles viennent de Tunisie, d’Égypte, d’Afghanistan ou d’ailleurs. Elles n’ont pas le même vécu, pas les mêmes expériences, elles sont toutes différentes. Aujourd’hui, si nous ressentons le besoin d’exposer de telles évidences, c’est que nous assistons à une essentialisation de la femme musulmane : elle est devenue un archétype. Or, d’ordre général, on identifie les immigrantes par leur appartenance nationale, mais lorsqu’il s’agit de citoyennes originaires de pays musulmans, il apparaît – fort curieusement – que tous les repères culturels autres que la religion disparaissent. Depuis que l’islam a pris une place dominante dans les médias québécois, la musulmane est figée dans un modèle unique, archétypale. Lorsqu’un article de journal parle de l’islam, bien souvent la photo choisie pour l’illustrer est celle d’une femme voilée ou portant le niqab. Lorsqu’il s’agit d’entendre le point de vue d’une musulmane au bulletin de nouvelles, c’est généralement une femme portant le hijab que l’on invite. Dans les manuels scolaires du cours d’éthique et culture religieuse, la femme voilée est souvent choisie pour illustrer un propos sur l’islam. Ainsi l’image de la femme voilée est pratiquement l’unique symbole représentatif de la musulmane au Québec. Or si toutes les femmes voilées sont musulmanes, les musulmanes ne sont pas toutes voilées. Elles ont des rapports très diversifiés avec la foi, et pratiquent une religion à la carte fortement influencée par divers facteurs culturels, sociaux et personnels. Par exemple, le port du niqab, du tchador ou de la burqa ne relève pas de la religion, mais bien de la tradition culturelle conservée depuis l’Âge médiéval jusqu’à nos jours dans plusieurs pays musulmans postcoloniaux. Quant au hijab, il relève d’une interprétation de versets coraniques loin de faire l’unanimité parmi les exégètes. (…) Dans les sociétés musulmanes patriarcales, le statut de la femme est marginalisé et sa présence en tant que théologienne et exégète est absente. L’interprétation des versets de « Hijab », faite par des hommes, a prescrit aux femmes de se couvrir de la tête aux pieds pour protéger la cité vertueuse de vice. Cette prescription est récupérée par l’islamisme pour des raisons idéologiques politiques. Nous partageons avec les femmes Québécoises qui ont eu à se battre pour se libérer de l’emprise de la religion sur leur vie des aspirations commune de vivre et d’occuper pleinement notre place dans la société. Nous sommes bien placées pour comprendre leurs soucis de préserver les acquis de la Révolution tranquille ! Car la culture patriarcale d’avant et d’aujourd’hui confine la femme dans des rôles traditionnels de mère de famille. Au Québec, nous avons la possibilité de nous épanouir pleinement et de participer à la société, en donnant notre plein potentiel. Nous ne voulons pas risquer de perdre ces acquis en nous pliant, de plus en plus, à des demandes d’accommodements soi-disant religieux qui veulent nous ramener à des traditions culturelles archaïques. Nous voulons contribuer à préserver la modernité du Québec. » (texte co-écrit avec Mounia Aït Kabboura (https://quebec.huffingtonpost.ca/author/mounia-ait-kabboura/)

« Dans bien des pays arabes et musulmans comme la Tunisie, l’Égypte, la Syrie ou la Turquie, les décennies 1950-1960 représentent une période de grande libération sociale, culturelle, littéraire et artistique. Cette période réformiste et moderniste a pris fin avec la révolution khomeyniste de mouvance intégriste en Iran et le retour en force de l’organisation des Frères musulmans d’Égypte. C’est dans cette mouvance, qui s’oppose farouchement à toute forme de liberté, que le voile islamique s’est imposé dans la société. L’islam de mon enfance était plus synonyme de réjouissances durant les fêtes que de contraintes religieuses. Tout a changé avec l’arrivée de l’islamisme comme mouvement de contestation politique. C’est à ce moment-là que mes cousines se sont voilées, que mes tantes se sont mises à rattraper toutes les prières qu’elles n’avaient pas faites plus jeunes, et que les restrictions à la liberté se sont multipliées. Je me souviens d’une cousine me soutenant que la femme ne devait pas chanter en public, et qu’Oum Kalthoum avait beau être la plus grande chanteuse du monde arabe, elle se retrouvait désormais en enfer. Jamais je n’ai entendu parler du voile comme d’une liberté. C’était plutôt une obligation accompagnée d’une série d’interdictions. Quelle ironie que ce soit maintenant la prétendue liberté de porter le voile qui soit avancée, au Québec, comme argument suprême pour contrer le projet de loi sur la laïcité de l’État ! »

Voilement des fillettes :

« En ce début d’année scolaire, alors que les discussions s’étirent autour du projet de loi 62 sur la neutralité religieuse de l’État, la réalité de l’intégrisme religieux nous rattrape dans les écoles du Québec. Cette année, plusieurs petites filles sont revenues voilées à l’école de mes enfants, dont une petite fille de 7 ans ! Certaines mamans me font part de leur malaise. «Ma fille ne cesse depuis trois jours de me demander pourquoi la plupart des éducatrices portent un voile et pourquoi cette année deux fillettes sont voilées aussi, elles ne l’étaient pas l’année dernière. Ma fille pose plein de questions et j’ai vraiment du mal à répondre, cela commence à prendre beaucoup de place à l’école.» Il y a en effet lieu de s’interroger ! Ce voile islamique n’est pas juste un vêtement, il conditionne l’enfant à se conformer à des dogmes religieux qui lui sont imposés. Il renvoie l’idée choquante que le corps de la petite fille serait objet de séduction qu’il faudrait cacher du regard des garçons, alors qu’eux ne sont soumis à aucune contrainte. Il stigmatise les petites musulmanes dans la cour d’école et constitue une barrière à leur interaction avec les autres enfants. Il entrave leurs mouvements et les empêche de participer pleinement aux activités physiques, sans compter l’inconfort qu’il procure dans des classes souvent surchauffées. Comment peut-on plaider le libre choix dans le cas de si jeunes enfants? Cette pratique de voiler les petites filles n’est pourtant ni une prescription coranique, ni l’héritage de traditions ancestrales qu’il faudrait préserver. Dans la plupart des pays arabes, il a fait son apparition récemment avec la montée de l’intégrisme islamiste. Des spécialistes de l’islam, dont Ghaleb et Soheib Bencheikh, n’hésitent pas à parler de maltraitance de petites filles. La Tunisie, pays dont la religion est l’islam, a même interdit en 2015 le voile à l’école primaire pour la raison qu’il va à l’encontre des droits des enfants. Un sondage mené alors indique que 75% des Tunisiens étaient favorables à l’interdiction. Pourtant, en raison d’une interprétation pour le moins très large de la liberté religieuse, la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse s’est prononcée deux fois (en 1995 et en 2005) à l’encontre de l’interdiction du voile islamique pour des élèves. Depuis, le droit des parents d’imposer le voile à leurs fillettes dès le primaire ne fait l’objet d’aucune remise en question, ni au Québec, ni au Canada. Les chartes protègeraient-elles la liberté religieuse des parents au détriment de l’intégrité physique et de la liberté de conscience des enfants? Le respect de la liberté religieuse  ne devrait pourtant pas dégrever l’État de ses obligations de respecter son plan d’action gouvernemental sur l’égalité des sexes (MELS, 2013-2014) prônant, entre autre, «la promotion d’une sexualité saine, responsable et égalitaire auprès des jeunes». Elle ne devrait pas non plus le dispenser de respecter la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDEF) entérinée en 1982 par le Canada, ni les traités internationaux sur le droit des enfants. (…) L’intégrisme est rarement un choix personnel. Il est, le plus souvent, le résultat d’une pression sociale et d’un endoctrinement à long terme qui anéantit toute capacité de penser par soi-même. Le gouvernement a le devoir de protéger la liberté des enfants en leur assurant une éducation laïque, exempte de pression religieuse ou prosélytisme. Or, il y a loin de la coupe aux lèvres! Comment s’étonner de la recrudescence des petites filles portant le voile à l’école quand le cours Éthique et Culture Religieuse (ECR) et les manuels scolaires transmettent l’idée qu’il serait un signe de reconnaissance de la bonne musulmane? Comment s’étonner lorsque, année après année, le nombre d’enseignantes et d’éducatrices voilées ne cesse d’augmenter dans les CPE et les écoles de la région métropolitaine de Montréal? Plutôt que de protéger les enfants contre l’intégrisme, l’école contribue tout au contraire à en faire la promotion et à l’implanter durablement au Québec. Combien de temps cette loi du silence face à ces petites filles abandonnées à elles-mêmes va-t-elle durer? Bien des parents sont déconcertés par ce laisser-faire des instances éducatives. Aurons-nous seulement le droit d’exprimer inquiétude sans se retrouver cloués au banc des accusés pour «islamophobie» ? Peut-on espérer que des mesures soient prises pour s’assurer d’un environnement éducatif exempt de manifestations identitaires religieuses ? Seule une école laïque est en mesure de remplir sa fonction d’intégration sociale des enfants de toutes origines, indépendamment de leurs cultures ou religions. »

Laicité :

« C’est sur l’air de Bella Ciaoque la foule chantait la liberté et la joie de vivre dans les rues d’Alger cette semaine. Plus tôt, c’est la vidéo d’une jeune femme déterminée clamant que le pays ne pourrait se libérer tant que la femme ne se libérerait pas qui avait été partagée sur toutes les tribunes. Malgré l’incertitude face à l’avenir politique du pays, c’est l’espoir de démocratie, de liberté et d’égalité qui souffle sur l’Algérie.  Quel contraste avec les manifestations contre le projet de loi sur la laïcité de l’État qui ont lieu au même moment à Montréal ! Celle du 7 avril a particulièrement choqué. Une foule, dont une majorité de femmes portait le hijab, brandissant des pancartes québécophobes, avec en tête de cortège des hommes à barbe intégriste, et deux islamistes notoires vociférant contre le projet de loi en suscitant des « Allahou Akbar ». La mise en scène rappelle les rassemblements des islamistes du Front islamique du salut lors de la décennie noire en Algérie. Comment en est-on arrivé là ?  L’islam de mon enfance était un islam de partage, d’hospitalité, qui ne s’imposait à personne. La semaine dernière, lors d’une conférence que je donnais sur la laïcité, j’ai rencontré un Tunisien qui avait vécu à la même époque que moi, dans la même ville que moi, en Tunisie. Pour lui comme pour moi, ne pas s’imposer par un affichage religieux lorsqu’on travaille pour l’État relève du bon sens. La foi est une affaire personnelle qui ne se mesure ni à la longueur d’un voile ni à celle d’une barbe.  Malheureusement, au Canada, les tenants d’un islam dogmatique et revendicateur sont encouragés par une interprétation absolutiste des droits considérant que toute limitation à l’affichage religieux porterait atteinte à la liberté religieuse. Or, à force de voir le monde sous la seule lorgnette des droits individuels, on perd le portrait d’ensemble, le sens du bien commun ; on ouvre la voie à l’intégrisme religieux.  Comme le dit Yolande Geadah dans son livre « Droit à la différence et non différence des droits » : « l’approche juridique occidentale qui conçoit la liberté religieuse sous l’angle du choix individuel ne permet pas de tenir compte d’une réalité sociologique plus vaste, où des individus et des groupes organisés se réclament de la démocratie pour tenter de s’arroger un pouvoir abusif, niant ainsi des libertés fondamentales ». En particulier, cette approche juridique qui soutient le droit de celles qui revendiquent le voile « n’offre aucune protection à celles qui sont forcées de le porter, ce qui viole ainsi leur droit à la liberté de conscience ». Le déploiement de l’artillerie lourde et l’enflure verbale à laquelle nous assistons présentement dans le dossier de la laïcité sont dirigés contre l’interdiction de l’affichage religieux chez les employés de l’État, et notamment chez les enseignantes. Les arguments avancés prennent l’allure d’une défense du voile islamique, l’avocat Julius Grey allant jusqu’à suggérer qu’une enseignante voilée serait un bon modèle pour ses élèves. A-t-on fait tout ce chemin vers l’égalité pour en arriver là ? Le voile islamique, qui est le véhicule le plus efficace de la propagande islamiste, est-il en voie de devenir le véhicule du multiculturalisme canadien ? Les femmes et les petites filles musulmanes sont-elles les otages de cette confrontation politique visant à contester le caractère distinct du Québec au sein de la fédération canadienne ?  Selon ses détracteurs, le projet de loi sur la laïcité, approuvé par une majorité de Québécois, constituerait une discrimination à l’endroit des minorités. Ce discours n’a aucun sens. Tout d’abord, les exigences de neutralité qui en découlent concernent tous les employés des secteurs visés, sans aucune distinction de religion, de culture ou d’origine ethnique. D’autre part, de nombreuses organisations regroupant des citoyennes et citoyens de toutes provenances, notamment l’Association québécoise des Nord-Africains pour la laïcité (AQNAL) dont je fais partie, expriment leur appui à cette conception québécoise de la laïcité. D’ailleurs, selon divers sondages et recherches sur le terrain, il n’y a pas d’opposition binaire entre majorité et minorités ethnoculturelles dans ce domaine (lettre des universitaires en faveur du projet de loi 21). Finalement, cessons de répéter ad nauseam que la minorité musulmane serait contre la laïcité. Comme le dit Kamel Amari, journaliste à TQ5, dans une capsule vidéo diffusée sur la page de « Pour les droits des femmes du Québec » : « ce sont les islamistes qui sont minoritaires. C’est pour cela qu’ils doivent faire beaucoup de bruit pour se faire remarquer ».  Au-delà de la protection des droits individuels, la responsabilité du gouvernement est de veiller au bien commun et à la paix sociale. Pour cela, il est primordial de s’assurer que la religion n’interfère pas dans les relations entre les institutions de l’État et les citoyens. Bien qu’imparfait, le projet de loi 21 constitue une avancée majeure dans le sens de l’affirmation de la laïcité de l’État, enfin reconnue comme un principe fondamental du Québec, découlant d’un parcours historique spécifique de la nation québécoise. C’est une loi de progrès social qui, une fois la déferlante passée, fera du Québec un modèle en Amérique du Nord en matière de laïcité, comme il l’a été en matière de protection sociale et d’éducation. »

« Si les opposants au projet de loi 21 (PL 21) s’inquiétaient de la liberté, ils se soucieraient davantage du conditionnement exercé sur des enfants emprisonnés dans des cadres religieux contraignants. Que prévoit-on pour défendre la liberté des enfants de certaines communautés évangéliques à dérives sectaires, de familles pratiquant un islam rigoriste qui voilent les fillettes avant même l’âge de la puberté, ou de certaines communautés juives hassidiques privées d’une éducation convenable ? Au-delà d’une école publique laïque, cette question soulève aussi celle des écoles privées confessionnelles. Que propose-t-on pour éviter que des règles religieuses n’érodent les valeurs d’égalité et de liberté des femmes ? La moindre des choses serait de s’assurer que des accommodements religieux ne puissent être accordés s’ils ne respectent pas le droit à l’égalité des femmes. Or, la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ), celle-là même qui devrait constituer un rempart contre tout recul des droits individuels et collectifs, s’est opposée à une telle mention d’égalité femme-homme comme critère devant être respecté lors du traitement d’une demande d’un accommodement religieux. Quelle liberté défend, au juste, la CDPDJ ? Lors de son audition pour le PL 21, Fatima Houda-Pepin a rappelé la décision prise par une école de Montréal, en 2011, d’accommoder les parents intégristes d’une petite fille de maternelle faisant valoir que l’islam ne permettait pas la musique. Des responsables de cette école ont accepté d’équiper la petite fille d’une coquille antibruit pour qu’elle ne puisse pas entendre les chants de ses petits camarades ! Réalise-t-on l’odieux de cette décision ? La CDPDJ s’est-elle insurgée contre l’atteinte au droit à l’égalité de cette petite fille ? Au contraire, il semble bien que cette privation ait été vue comme acceptable au nom de la liberté de religion des parents. Visiblement, le droit des enfants à la liberté ne fait pas partie des priorités de la CDPDJ ni de la Commission canadienne des droits de la personne (CCDP) qui illustre son rapport 2018 avec la photo d’une fillette voilée, le poing levé ! À force de fermer les yeux sur la réalité de l’intégrisme religieux, on se rend coupable de complicité avec les adversaires des libertés individuelles, et de négligence à l’égard des enfants. À force de tolérer l’intolérable, on « pave de bonnes intentions l’enfer des autres », pour reprendre les mots de Chahdortt Djavann, une femme qui a subi le régime islamique d’Iran. Cessons de tordre le sens des mots. La liberté recherchée est celle qui brise les chaînes, qui fait avancer les droits collectifs, l’égalité des femmes, celle qui mène à l’épanouissement des enfants. Tant que des règles religieuses peuvent s’immiscer dans la gestion de l’État, les femmes ne sont pas à l’abri de voir s’éroder leurs droits et leurs libertés. Quant aux enfants, la protection de leurs droits fondamentaux, et notamment leur droit à l’éducation et à la liberté de conscience, devrait être la priorité de toute société développée. Ces droits devraient primer sur ceux des enseignantes et des enseignants à afficher leurs signes religieux. Telle que définie dans le PL 21, la laïcité ne brime aucune liberté. Au contraire, elle permet de garantir l’égalité et la liberté de conscience et de religion de tous les citoyens. La laïcité est un grand pas vers la liberté et l’émancipation. »

Islamophobie :

« le terme «islamophobie» est utilisé à outrance pour justifier la censure ou à des fins politiques et entretient un discours victimaire qui ne contribue pas à améliorer le sort des musulmans. (…) Il s’agit de prendre les bons moyens pour instaurer un dialogue sain entre les citoyens. Or, miser sur la culpabilisation et les accusations d’islamophobie n’est pas, à mon avis, la bonne façon d’y parvenir, et contribue plutôt à nourrir les extrêmes. (…) Les études statistiques et les sondages montrent que le Québec ne se distingue pas du reste du Canada par un excès de xénophobie, mais que ce sont les religions et les signes religieux qui sont les moins bien acceptés au Québec. Cela confirme l’attachement des Québécois au modèle de laïcité qui a émergé à la Révolution tranquille. L’église catholique a alors accepté d’abandonner ses privilèges, et de retirer les croix et les habits religieux des institutions publiques dont les écoles et le système de santé, dans l’objectif de s’ouvrir à la diversité des autres religions et des non-croyants. (…) L’islamophobie, et maintenant le «négationnisme», sont utilisés comme des mots matraque diffamatoires assenés pour disqualifier l’adversaire. La diversité des points de vue dans la sérénité et le respect, voilà l’essentiel pour débattre de la laïcité et du vivre ensemble. «

« Nous tenons à réagir sur l’utilisation erronée, abusive et non-fondée de ce terme (islamophobie). On lui doit l’une des confusions sémantiques et politiques  les plus graves de notre époque : faire croire que résister au fanatisme relève du racisme. Or, c’est un concept fumeux, qui a été créé pour limiter toute vigilance envers l’islamisme et intimider ceux qui critiquent cette idéologie.  Plutôt que de s’en prendre à ceux qui ont peur de l’islam, il faudrait se tenir debout devant ceux qui créent cette peur, ceux qui manipulent la démocratie, qui utilisent les chartes du Canada pour faire avancer leur projet d’islam politique. Il n’est pas difficile de voir que les femmes en niqab font partie de cette catégorie de citoyens qui provoquent les institutions du Québec et du Canada. Au Québec, ce sont les islamistes qui se disent victimes de rejet, qui refusent le mode de vie de la société d’accueil et culpabilisent toutes celles et tous ceux qui refusent leurs règles et qui critiquent leurs pratiques d’un autre temps. Ce sont eux, pas nous, pourtant provenant de la même sphère culturelle et religieuse, qui se disent victime d’islamophobie. La majorité des musulmans est victime collatérale, mais directe, de ce concept d’islamophobie. »

Canada, diversité et inclusion :

« les Jeux olympiques de PyeongChang et le voyage de Justin Trudeau en Inde ont occupé l’espace médiatique pendant deux semaines. Ils ont été l’occasion de promouvoir les valeurs canadiennes, notamment celles de diversité et d’inclusion, à travers un étalage de costumes et d’apparats religieux. Mais que veut-on inclure au juste ? Les costumes ou les idées qu’ils véhiculent ? « Parce qu’en lui montrant les raisons de notre fierté, le monde comprendra la valeur de nos valeurs », clame une publicité d’Air Canada faisant partie d’une campagne publicitaire diffusée par la chaîne d’État pendant les Jeux olympiques. Et pour montrer nos valeurs de diversité, une multinationale n’a pas hésité à inventer, pour l’occasion, une patineuse artistique en collant, paillettes et hijab. Dans une autre publicité de Canadian Tire, c’est une équipe de filles de hockey cosom portant le hijab qui est en vedette, et on leur lance « Beaucoup de filles vont s’inspirer de vous » ! Le voile (hijab) vient-il officiellement de faire son entrée comme valeur canadienne ? À moins qu’il ne serve d’affichage au multiculturalisme canadien, sans se soucier de l’idéologie qu’il véhicule. L’inclusion implique-t-elle de faire l’impasse sur les idées derrière les signes religieux ? Les déboires de Trudeau en Inde montrent les limites de cette approche. Avec sa famille en costumes locaux et sa garde rapprochée en turbans sikhs, le premier ministre pensait probablement contribuer à exporter les valeurs canadiennes. Or, ses hôtes indiens ont perçu un tout autre message, y voyant une proximité avec des mouvements intégristes sikhs proches des séparatistes du Pendjab. Tout comme pour le turban sikh, on ne peut ignorer la portée idéologique du voile. Il est associé à la mouvance de l’islam politique. On aura beau le détourner de son sens et accuser d’islamophobie tous ceux qui en font la critique, le lien entre le voile et l’intégrisme islamiste ne disparaîtra pas pour autant. Au Québec, le Directeur général des élections vient de permettre le port du voile et du turban pour les photos des candidats, sans qu’aucun parlementaire ne s’attarde à la question. Pourtant, cela revient à balayer du revers de la main tout le débat sur la neutralité religieuse de l’Assemblée nationale. Le voile est de plus en plus présent dans nos écoles sans que le milieu scolaire ne s’en préoccupe. Pourtant, cela revient à mettre la hache dans le processus de sécularisation du système d’éducation amorcé au Québec depuis la Révolution tranquille. Il est présent dans tous les documents et reportages ayant trait à la diversité, ce qui revient à le considérer comme marqueur de l’ethnicité des musulmanes. Un reportage de Radio-Canada du 26 février consacré à une avocate musulmane voilée illustre bien ce fait. Céline Galipeau y parle avec emphase d’une « citoyenne engagée portant avec fierté le flambeau de ceux qui, comme elle, revendiquent une identité multiple ». Les femmes musulmanes non voilées, auxquelles Radio-Canada n’a encore consacré aucun reportage sur la base de l’identité, seraient-elles porteuses de moins de fierté ? De toute évidence, le message d’inclusion les exclut. Dans la foulée du voyage de Trudeau en Inde, le chroniqueur indien Ajit Datta écrit ceci en lien avec l’intégrisme sikh : « Je me fiche bien que le leader du Canada veuille conduire son pays à sa perte. Mais lorsque cela affecte mon propre pays, je trace la ligne. » C’est la même indignation que je ressens devant cette promotion du voile. Il est scandaleux que le besoin d’affichage d’un multiculturalisme folklorisé se fasse au détriment de femmes et de filles que l’on abandonne à des pratiques discriminatoires. On me parlera de la liberté de se voiler. Je me contenterai ici d’évoquer mon expérience personnelle. Dans les années 1980 en Tunisie, la seule fille voilée de ma promotion, au début du secondaire, nous expliquait que celles qui ne le portaient pas seraient suspendues par les lèvres en enfer. J’ai alors failli céder au « libre choix du voile ». Quant aux arguments voulant que l’inclusion du voile dans toutes les sphères de l’État favoriserait l’intégration et sa disparition à long terme, ils ne s’appuient sur aucune étude probante. C’est plutôt le contraire qui est observé. Selon un sondage de l’Environics Institute de 2016, la moitié des musulmanes du Canada portent le voile, alors que 10 ans plutôt elles n’étaient que 42 % à le porter. À l’heure où des Iraniennes sont emprisonnées parce qu’elles retirent leur voile, c’est une femme voilée qui sert d’illustration à l’égalité dans une campagne fédérale pour célébrer le 8 mars ! Cette propagande provoile est inacceptable. Il ne s’agit pas de « faire la chasse au voile », comme le dit Gabriel Nadeau-Dubois, mais bien d’en mesurer les conséquences sur les femmes et d’avoir le courage d’aborder, de front, le sujet des signes religieux dans les institutions de l’État. »

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