– Malika Boussouf : « Qu’est-ce qu’un voile sinon l’illustration physique de cet asservissement commandé par tous les intégristes de la terre ? »

Malika Boussouf : « Qu’est-ce qu’un voile sinon l’illustration physique de cet asservissement commandé par tous les intégristes de la terre ? »

Avertissement : Ceci est un document de travail d’une traduction pour anglophones, il devait figurer à l’origine sous le texte traduit en anglais mais pour des raisons de mise en page et de présentation il était plus lisible de séparer les deux versions. Il s’agit d’extraits d’articles et/ou entrevues, afin d’introduire les idées des autrices au grand public, mais en aucun cas d’un compte rendu exhaustif de leurs pensées… Afin de mieux les connaître n’hésitez pas à acheter leurs livres ! Merci pour votre compréhension.
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Malika Boussouf est née en Algérie, en 1954. Psychologue de formation, elle embrasse en 1985 la carrière de journaliste (Révolution Africaine, Le Midi Libre, RTL) et rejoint en 199, la rédaction du quotidien indépendant Le Soir d’Algérie, dont elle deviendra rédactrice en chef, directrice de la rédaction et aujourd’hui, éditorialiste. Victime d’une fatwa (mise à mort) du GIA (groupe terroriste islamiste) en 1993, elle décrit le calvaire de sa vie clandestine dans Vivre traquée (éditions Calman Lévy). Parallèlement elle anime des tables rondes sur le Code de la famille et les violences faites aux femmes pour l’association « Femmes en Communication ». Autrice, elle a publié en 2014 (avec Monique Ayoun) « Musulmanes laïques en révolte, rencontres avec 20 femmes d’exception, leur combat est aussi le nôtre » (éditions Hugo Doc) sur ces femmes musulmanes qui affrontent la force d’un conservatisme religieux réfractaire à tout changement et propre aux sociétés dont le système patriarcal et religieux est érigé en modèle de gouvernance.

Sur la guerre faite aux femmes dans les pays musulmans :

« La « guerre faite aux femmes » en terre d’Islam est une expression générique qui recouvre toutes les guerres qui nous sont faites. En premier lieu, la guerre des pouvoirs établis, détenus par les hommes qui travaillent toujours « dans le bon sens », c’est-à-dire pour garder leur pouvoir, et tous les privilèges construits autour. Guerre aussi faite au corps de la femme. Ceux qui se sont rués vers la secte Daesh se sont enrôlés pour obtenir le corps des femmes. Ils n’ont aucun effort à faire puisqu’ils se le voient offrir en butin de guerre. Pour construire leur société modèle, les théoriciens de Daech considèrent qu’il faut commencer par mater la femme, transformer son corps en un instrument de la soumission. »

«Dire des femmes qu’elles ont été les victimes majoritaires de la violence terroriste est une vérité incontestable. Enlevées pour les besoins de soldats d’Allah avec la bénédiction d’un père contraint à l’acquiescement ! Tout cela (en Algérie), nous l’avons connu et subi avant tout le monde par les pères fondateurs de Daesh : les GIA. La violence barbare a été vécue à l’extérieur comme à l’intérieur des foyers. A l’extérieur parce que les femmes ont résisté à la menace terroriste et qu’elles ont refusé de quitter leur travail, de rester chez elles, de porter le foulard ou d’envoyer leurs enfants à l’école, qu’elles ont aussi osé manifester, à l’appel d’associations féminines, leur rejet du terrorisme. A l’intérieur, il y a celles qui ont été assassinées par leurs enfants, par leur mari, ou leur frère ou un voisin parce qu’elles n’avaient pas, selon leurs assassins, une conduite exemplaire, qu’elles n’étaient pas de bonnes musulmanes.

Puisque nous parlons de violence terroriste à l’égard des femmes, je souhaiterais que l’on n’oublie surtout pas de rappeler le sort réservé à toutes celles qui ont été mariées de force dans les maquis, violées ou encore écartelées, éventrées et achevées à coup de sabre par leurs bourreaux. Celles qui ont réussi à s’échapper ont raconté l’horreur subie. Et elles étaient déjà voilées quand leurs bourreaux les ont arrachées à leurs familles. »

« Ces pratiques ne sont pas le fait d’une minorité déviante : Sachez qu’un grand imam égyptien de la grande université islamique Al-Azhar avait, dans les années 90, interdit aux femmes algériennes enceintes à la suite d’un viol de se faire avorter. Pourquoi ? Parce qu’elles avaient été engrossées par des musulmans. Cette même autorité religieuse avait auparavant rendu licite l’avortement de femmes bosniaques, parce qu’elles avaient été violées par des chrétiens. Il faudrait aussi parler de l’esclavage moderne de ces femmes importées des Philippines ou de Malaisie, qui louent pour si peu leur force de travail et doivent assouvir à domicile les besoins sexuels de leur patron. Au Liban, une amie documentariste a fait un travail autour d’elles. Je ne peux m’empêcher de me mettre en colère quand je parle de la condition féminine. »

« Il n’y a rien de spécifique à l’Islam, toutes les religions monothéistes sont intégristes, elles oppriment les hommes mais surtout les femmes car à chaque fois qu’on a envie, dans une société, de mater les hommes, on passe par leurs femmes, et ça les arrange bien. Les femmes sont conditionnées à recevoir des coups, la religion a été faite par les hommes et pour les hommes, pour leur permettre de se maintenir en tant que dominateurs et garder le pouvoir. »

Les femmes en Algérie :

« En Algérie du Code de la Famille (NDLT : régime civil de soumission des femmes) voté en 1984 est inspiré par la charia. Quand une religion est religion d’Etat et qu’elle est inscrite dans la Constitution, cela ouvre la porte à toutes les dérives. Lorsque ce code a été voté, nous vivions sous un régime de parti unique. Des députés femmes l’ont voté ! J’explique ce vote par l’asservissement à des normes sociales établies par les hommes, au pouvoir détenu par les hommes, au parti unique dirigé par des hommes. Les femmes qui obtiennent un poste de responsabilité vont tout de suite épouser un comportement mimétique, celui du responsable au-dessus d’elles. C’est un cercle vicieux. »

« En Algérie, 40% des magistrats sont des femmes, et alors ? Les femmes ne peuvent toujours pas se marier sans un tuteur, qui est toujours un homme, et cette règle vaut aussi pour les magistrates. Toutes les femmes restent des mineures à vie. Pour avoir la paix, les femmes qui font des études ne sont pas prêtes à remettre en cause le pouvoir patriarcal. »

« Le travail, c’est l’autonomie financière, la liberté. Ce n’est pas les poches vides que l’on peut avoir voix au chapitre. La dépendance matérielle est la pire des situations pour une femme. Tendre la main au mari tous les matins pour obtenir trois francs six sous destinés aux besoins du foyer, ce n’est pas une vie ! Cette situation est de moins en moins répandue dans nos pays. Les difficultés économiques des familles y sont bien sûr pour quelque chose. (…) si davantage de femmes, encore, feraient le choix de travailler si elles en avaient la possibilité. Les femmes prennent conscience de la discrimination qui les frappe en tant que femmes dès qu’elles mettent un pied dans la vie active. À expérience et compétence égales, et même supérieures de la femme, l’employeur aura toujours tendance à embaucher ou promouvoir un homme. Bien sûr, ce n’est pas propre à nos sociétés, ce phénomène existe aussi en Occident. Mais nous en pâtissons davantage ici. » (…) « Et dans cette guerre économique menée contre le peuple, les femmes sont en première ligne. Elles sont les dernières servies, elles sont discriminées au travail, elles sont tenues à l’écart des responsabilités. Oui, les femmes sont la chair à canon de toutes les guerres, pas seulement la guerre économique. »

« Savez-vous qu’à propos de la résistance des femmes algériennes, les hommes algériens démocrates disaient d’elles à l’époque que c’était elles qui étaient les hommes de l’Algérie ? Vous voyez que même dans l’inconscient d’hommes dits émancipés, les femmes restent cataloguées et perçues comme des êtres faibles. On disait des femmes qu’elles étaient les hommes de l’Algérie parce qu’elles faisaient preuve de courage en appelant à la révolte populaire et en tenant tête aux terroristes comme si la force et le courage étaient des qualités typiquement masculines, comme si ce type de comportement était propre aux hommes et aux hommes seulement. Vous constaterez que, même quand ils veulent vous faire un compliment, ces derniers ne peuvent pas s’empêcher d’être machos et faire dans la discrimination.Pour revenir à l’importance accordée par les hommes à la cause des femmes, prenez la violence contre les femmes par exemple ! Elle n’est pas vendeuse alors elle ne fait pas la une des journaux sans compter qu’en beaucoup d’hommes journalistes sommeille un petit tyran, un héritier du système patriarcal qui régit notre société. La société algérienne n’est pas une société moderne. C’est une société conservatrice, rétrograde avec tout ce que cela induit comme conduites inhérentes à la culture, aux normes et aux codes sociaux établis par les hommes au détriment des femmes. »

Servitude volontaire, aliénation des femmes :

 « Beaucoup de jeunes femmes se sont enrôlées dans Daesh pensant servir une juste cause, avant de réaliser qu’elles vivaient dans un baisodrome, spécialement aménagé pour la disponibilité et le confort d’assassins. Lorsqu’elles ont compris qu’elles n’étaient les favorites de personne et que leur corps collaborait à une immense orgie, il était souvent trop tard. Nous avons connu cette même tragédie en Algérie avec le maquis islamiste dans les années 90. Le « zaouadj el moutaa », mariage de jouissance, permettait le viol. Lorsque vous comparez ces deux guerres très différentes, leur point commun est d’être lié à la croyance religieuse : les islamistes s’en prennent aux femmes sur terre avant de retrouver leurs 72 houris dans un au-delà construit à leur convenance. »

« ll n’y a pas que les femmes qui se mettent au service d’organisations islamistes comme Daesh et tous les groupuscules qui gravitent autour ou lui prêtent allégeance et qui travaillent à leur propre aliénation, mais il est bien connu que les meilleures reproductrices du système patriarcal sont les femmes. On ne dit pas d’elles qu’elles sont d’intraitables gardiennes du temple pour plaisanter. Dans les pays où se pratique l’excision par exemple et pour ne citer que cela, ce sont les femmes qui pratiquent la mutilation. Pas les hommes, même si le tout s’organise avec leur bénédiction. Quand elles font la une des médias du monde entier et donnent du crédit à une modernité anachronique de façade, telle Meriem Al Mansouri, la jeune pilote Emiratie lancée à l’assaut de Daesh, elles participent volontairement à absoudre le conservatisme des monarchies et autres régimes totalitaires arabes qui financent les djihadistes. »

Sur le voile :

« Je ne sais pas ce que veut dire l’expression « voile islamique » ! Les deux autres religions monothéistes ne sont pas en reste sur ce plan-là. Tous les fanatismes recommandent à cor et à cri l’enfermement des femmes. Tous réclament d’elles une soumission totale et absolue. Qu’est-ce qu’un voile sinon l’illustration physique de cet asservissement commandé par tous les intégristes de la terre ? »

« Je vois par exemple que le port du hidjab se développe partout. Ce qui a commencé dans les années 90 devient un comportement social généralisé. Les femmes, pour en finir avec les injonctions et les reproches venus des hommes, de leur famille, du groupe, portent le voile. Dans le même temps, selon une enquête du ministère de la Santé, 59% des femmes pensent qu’un mari a le droit de tabasser sa femme. Le patriarcat, à mon grand regret, a encore de beaux jours devant lui. »

« Lorsque les femmes occupent volontairement les postes « logiquement » réservés aux hommes, les normes établies par l’organisation sociale de type patriarcal sont insultées. Et puisqu’elles n’obéissent pas tout à fait à l’autorité, cela leur vaut des fatwas à volonté. Lorsqu’il a été question de s’en prendre aux femmes, au corps de ces dernières ou d’affirmer son pouvoir sur le dos du genre féminin, les assassins n’ont pas fait de quartier. On ne peut pas se détourner d’un corps dénudé en même temps que l’on fantasme sur celui que l’on voile. Les femmes entièrement couvertes n’ont pas été épargnées, comme elles ne le sont pas, aujourd’hui non plus, au Moyen-Orient. Est –il besoin, au regard de ce que les femmes subissent dans les pays musulmans (et le mien n’est pas en marge de ce qui se complote sur le sort des femmes), de conclure que, s’il est des situations qui inhibent l’évolution de celles-ci, il en est d’autres qui les renvoient au Moyen-Age ? »

Relativisme culturel, appels à « respecter la culture musulmane »

« Je ne crois pas en ce désir de respecter quoi que ce soit, je crois juste en un populisme destiné à gagner un électorat supplémentaire. Je ne crois pas non plus en la volonté affichée de promouvoir l’acte démocratique. On commence par la complaisance à l’égard du port du voile, puis par comprendre que les musulmanes enceintes refusent de se faire examiner par des gynécologues de sexe masculin, puis par les piscines que l’on voudrait réservées aux femmes, etc. Les concessions s‘enchaînent sans que l’on comprenne vraiment jusqu’où les promoteurs d’une démocratie à la carte seraient susceptibles de mener la gauche européenne puisque, avec les conservateurs, on a l’avantage de savoir à quoi l’on serait destiné si le pouvoir de redessiner l’avenir leur était confié. Les droits des femmes d’ « origine musulmane » ? Pourquoi ? Il y en aurait donc qui différeraient de ceux des femmes en général ? Vous parlez d’une blague ! Il faut arrêter avec ce paternalisme de mauvais goût. Il est dangereux pour celles auxquelles il prétend faire du bien, alors qu’il continue à les minoriser. Il n’y a pas mieux, si l’on veut les stigmatiser, que de céder à des revendications farfelues. Parce que je ne vois pas, si l’on veut faire respecter l’ordre républicain, en quoi vivre sa religion et la pratiquer en privé, sans l’imposer aux autres, la rendrait moins crédible, peu garante d’un paradis fantasmé ou inférioriserait ces dernières. »

Les viols du Nouvel An à Cologne en 2015

« Je partage les propos de Kamel Daoud, mon compatriote d’Oran, qui parle « de misère sexuelle dans le monde arabo-musulman et de rapport malade à la femme, au corps et au désir », une guerre est faite au corps des femmes. J’ai écrit une chronique au Soir d’Algérie dans la même veine : « Je voile ma sœur et toi je te viole »**. Elle n’a d’ailleurs pas eu un écho vraiment négatif en Algérie. Ce qui m’a choqué, c’est que la levée de boucliers contre Kamel Daoud soit venue de la gauche bien pensante française, celle qui a inventé l’expression « islamiste modéré ». C’est un oxymore, un islamiste n’est pas un modéré. Un proverbe dit : « Il n’y a que ceux qui ont le pied sur la braise qui en ressentent la brûlure. »

**Chronique « Je voile ma sœur et toi je te viole » :

« Il est des jours comme ça où je hais le lien trop vite fait entre les violeurs d’un soir et leur origine qui, hélas, se trouve être la mienne. Quand des promoteurs d’interdits, chez eux, se jettent sur la première femme venue ailleurs et qu’ils se font expulser pour ce délit, j’avoue ne ressentir aucune compassion pour eux. Et je ne me sens pas le moins du monde solidaire de tous les obsédés et autres agités que l’Allemagne aura décidé de virer de chez elle. Lorsque vous apprenez que 25 des violeurs du 31 décembre à Cologne sont des Algériens, ça vous met les nerfs juste là où vous n’avez pas envie qu’ils soient. Quand la chancelière allemande, Angela Merkel, demande à Sellal de la débarrasser des clandestins algériens qui lui polluent son espace, je me dis que je n’aurais pas aimé être à la place de ce dernier.
Je veux bien croire que l’absence de perspectives d’avenir justifie le fait qu’ils s’en aillent tenter leur chance ailleurs en se fondant dans la masse des migrants pour arriver à destination. C’est la meilleure ruse qu’ils aient trouvée pour contourner les problèmes de visas qui leur sont refusés au vu du profil qu’ils proposent qui n’est ni attrayant ni crédible pour la délivrance du sésame. Mais il faut croire qu’il n’y a pas que l’envie de travailler qui les fait se précipiter en Europe. Ils embarquent avec eux leur détermination à s’affranchir de leurs frustrations sexuelles une fois foulée cette terre d’Europe «trop tolérante et permissive» avec ses enfants. Sans doute armés de la conviction qu’en terre non musulmane ils pourront s’adonner sans scrupules aux plaisirs de la chair, les voilà partis pour ne rien s’interdire chez ces mécréants où toute agression devient licite. Je ne vais pas m’excuser de penser ainsi. Je ne milite pas en faveur de ce genre de droits humains. Il y a ceux qui n’ont aucun problème à se faire une place dans le monde civilisé et ceux qui s’y conduisent comme des sauvages et méritent d’être rendus à ce pays d’origine dont ils auront entre-temps bien terni l’image. »

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