Comment l’idéologie trans déshumanise les femmes
Par Brendan O’Neill, rédacteur politique en chef de Spiked
« Le livre complètement délirant de Grace Lavery montre à quel point l’idéologie trans est sexiste.
J’ai vu mon comptant de manipulation passive-agressive pour toute une vie, mais je dois reconnaitre que le nouveau livre du professeur transgenre Grace Lavery remporte la palme. Le livre est consacré – dans sa quasi-totalité – à son pénis, comme l’indique subtilement le titre : Après vous Mademoiselle : L’œuvre poignante d’un pénis chancelant. Pourtant, quiconque oserait s’adresser à Lavery en le considérant comme un homme serait instamment taxé de vieux réac’. Les lecteurs et lectrices auront à souffrir des kilomètres de pages plus déprimantes les unes après les autres sur la bite de M. Lavery – à quel point elle s’est ratatinée depuis qu’il a commencé à gober des hormones féminines, à quel point « elle ne lui sert à rien sauf à valdinguer » entre ses jambes, comment elle « va parfois tenter le coup de se roidir » – et pourtant, encore une fois, quiconque dirait : « Non mais, c’est forcément un mec », ferait les frais de la délation à la transphobie, et serait dénoncé comme un immonde transphobe méritant la censure. Et ça continue à parler de trique et de sac à foutre, et du « phallus lacanien » – imaginez Jay de The Inbetweeners [NLdT : un incel boutonneux hypermisogyne dans une série pour ados idoines] qui viendrait tout juste d’obtenir un doctorat en études queer, et malheur à ceux qui refuseraient de se plier à l’idée que ce glandu obsédé par sa propre bite est en fait une femme. Littéralement, légalement, et réellement une femme.
Je n’ai jamais aimé le terme « privilège masculin » [NdLT : forcément, de même que Macron n’aime pas le terme « pénibilité »], mais il serait très franchement difficile de trouver meilleure expression pour décrire un homme qui écrit un livre entier sur sa « tête de nœud » – oui, il utilise ce terme – en s’attendant en toute bonne foi que les gens reconnaissent sa « féminité » – et oui, il utilise aussi ce mot. D’après lui, sa féminité est ce qu’il chérit le plus au monde, chose que j’ai trouvé assez surprenante, car j’aurais plutôt pensé qu’il s’agissait de sa teub. Sérieusement, si le privilège masculin peut bien signifier quelque chose de réel [NdLT : le fait que tu puisses écrire cet article sans être menacé de viol et de mort par la suite n’est qu’un exemple], surement réfère-t-il au fait qu’un type puisse publier un livre avec la photo de sa trogne mal rasée surplombée d’une perruque de traviole en guise de couverture, et exiger malgré tout que nous l’appelions « Madame Lavery ». Le seul fait que je parle de lui au masculin dans cette critique sera considéré par certains comme un odieux acte transphobe, que seule la pire espèce de vieux réac’ peut commettre ; mais si vous pensez que je vais dire « elle » et parler au féminin à propos d’un type qui parle des érections qu’il se tape en regardant Riverdale, et qui se pointe dans une banque de sperme pour « faire un dépôt de soie liquide » (Jay !), alors vous vous fourrez le doigt dans l’œil.
Lavery est professeur associé d’anglais à Berkeley en Californie. (Bon Dieu) [NdLT : Berkeley, le berceau du post-modernisme ricain qui a engendré J. Butler et la Queer theory]. Le livre traite de sa transition « de genre » et c’est un des livres les plus misogynes qu’il ne m’ait jamais été donné à lire. La manière dont il parle des femmes et de leur corps est tout bonnement répugnante. Lavery a demandé à son médecin des « bonbons à gros nichons », c’est-à-dire des suppléments de progestérone pour « grossir les seins ». Un petit conseil pour M. Lavery : les femmes ne parlent pas de leurs seins en termes de « nichons ». Il parle ensuite des « nichons qui suintent », c’est-à-dire de ces féministes « aigries » et des membres de Mumsnet qui critiquent l’idéologie du transgenrisme. C’est vrai ça, pourquoi ces vielles peaux n’ont-elles pas de petits seins de bakélite comme ceux de M. Lavery – c’est lui qui le dit – ? Il parle de sa « chatte fantôme », qui n’est probablement rien d’autre que « les canaux inguinaux dans lesquels [s]es testicules se rétractent lorsqu’il fait froid », mais qui lui semble néanmoins se manifester en « un amas sous-cutané de terminaisons nerveuses s’étendant jusqu’à une ouverture à peu près ovale », comme un vagin. Mais bien sûr, exactement comme un vagin ! Quand est-ce qu’il est devenu acceptable de parler du corps des femmes avec autant de dénigrement et d’ignorance ? [NdTL : depuis que la consommation de gonzo a crevé la stratosphère ?]
Curieusement, Lavery parle énormément de « chatte », au point que le terme est à l’index. Ce serait trop simple de mettre ceci sur le compte de l’immaturité de la majorité des militants identitaires – qui adorent choquer les boomers en disant chatte, bite, clito, foutre (un autre mot que Lavery utilise beaucoup ; il y a un chapitre entier sur son « jus », comme il l’appelle). Mais, en réalité, c’est bien pire que cela. Lavery semble complètement obsédé par le porno. Une partie de ses mémoires sont rédigés dans le style pornographique. Il invente des noms pornographiques pour les romans de Dickens (par exemple, « A Tale of Two Titties » – les nichons, une fois de plus [Le conte des deux nichons]). Il décrit très longuement le premier porno qu’il a consommé – Edward Maindebite – et semble avoir projeté sa propre « dysphorie de genre » sur le comportement d’Edward Maindebite qui oscille « entre une surcompensation phallique obscène et une insoutenable légèreté, presque féminine ». Les filles sont légères, vous ne le saviez pas ? Il a même illustré son propos avec une photo du film, montrant Edward Maindebite en train de fister deux femmes suppliantes. Vous commencez à comprendre pourquoi il parle tout le temps de chatte, mais aussi d’où vient sa vision complètement fétichiste de la « féminité », au point que lorsqu’il transitionnait pour la première fois [NdLT : en fait, lorsqu’il s’est travesti la première fois], il a enfilé une « jupe en jean de salope » ? Eh bien, les femmes sont des salopes, c’est bien connu, non ?
Je pense que son utilisation du mot « chatte » est aussi un acte de dissociation cynique. Il dissocie le vagin de la féminité, et le réimagine comme un « sentiment », ou juste une chose charnue informe qui peut se matérialiser n’importe où, y compris sous la peau rugueuse du scrotum d’un homme psychotique. Lavery sait parfaitement qu’il n’aura jamais de vagin, mais quid d’une chatte ? La chatte, cette conception pornifiée du vagin ? Cette vision réductrice des femmes comme des trous à fourrer ? Ça, il peut l’avoir. Il écrit au sujet de son « trou secret » et conseille : « Crois fort que tu as une chatte à cet endroit-là, imagine-la… et si tu l’imagines assez fort, tu peux faire des choses avec ». Le fait que les hommes puissent maintenant ouvertement fantasmer sur leur « chatte », et ce faisant, être félicités pour leur progressisme, est manifeste de la dégradation du statut des femmes comme personnes à « trou avant » – personne à seins, personnes qui saignent – permise par la porno-culture et le transgenrisme. La déshumanisation des femmes en tant que « chatte » est la condition préalable à leur exploitation dans la pornographie et le moyen par lequel leur biologie peut être caricaturée et appropriée par des hommes qui prétendent être des femmes. Le porno et le transactivisme, comme le démontre peut-être involontairement M. Lavery, sont bel et bien liés.
Tout comme nombre d’autres transactivistes grand public, Lavery promeut une vision du « féminin » flagrante par son sexisme et son traditionalisme dépassé. Il parle de « se présenter de manière féminine ». Dans un passage du livre, il explique qu’il « sanglote désespérément dans sa robe rouge », c’est-à-dire, comme le font les dames, c’est bien connu. L’une des parties fictives de ses mémoires décrit la « douceur de l’épaule [d’une femme], calme et féminine ». Il décrit la masculinité comme « arrogante, passionnelle, franche », bien qu’il reconnaisse volontiers que ces traits puissent aussi être « féminins ». Mesdames, réjouissez-vous, vous pouvez être passionnées et directes – c’est M. Lavery qui vous le dit ! Immanquablement, étant données les croyances des transactivistes en une mythique identité de genre, et allant parfois à l’encontre de la réalité biologique de chacun, ceux-là finissent souvent par promouvoir les conceptions du féminin et du masculin contre lesquelles Betty Friedan s’élevait il y a déjà 60 ans. Certains passages sont absolument hilarants – involontairement. Lavery évoque la « panique » des femmes quant à la présence de femmes trans (c’est-à-dire, des hommes) dans les toilettes pour femmes, et dont les idées critiques du genre soutiendraient une conception réactionnaire des femmes trans comme étant « érotiquement obsédées à l’idée de femmes qui urinent ». Après quoi, dans le paragraphe faisant immédiatement suite, il va dire – littéralement – « [Mais] aller aux toilettes est plutôt sexy, non ? En tout cas, il m’arrive de penser que c’est sexy ». Gros, c’est exactement pour ça qu’elles ne veulent pas de toi dans leurs toilettes.
Selon moi, la partie la plus malaisante du livre est la manière dont il caricature et se moque des femmes critiques de genre. Ici, sa misogynie est flagrante. Tout d’abord, Lavery compare les femmes critiques de genre aux électeurs du Brexit, en disant que les Brexiters veulent une « nation sans barreaux » et que les CG veulent des « toilettes pour femmes sans barreaux » (Vous pigez là ?!). Le fait qu’il utilise le mot « Brexiters » comme insulte témoigne des préjugés conformistes de la classe moyenne bourgeoise dont fait partie Lavery, qui sait parfaitement que les milléniaux et les zoomers privilégiés vont vigoureusement opiner à son propos. « Ouais, sûr, le Brexit, c’est naze. Ces gros lards sans dents, quoi ». Lavery décrit Spiked comme un « TERF » et comme faisant partie d’une nouvelle « classe d’activistes qui tournent en dérision les « politiques identitaires » et qui promeuvent plutôt « l’amour du bon sens [et] du franc-parler ». Heh, bien, vous savez quoi ? Coupable !
Évidemment, il s’en prend à Mumsnet. La hargne de l’armée Woke à l’égard de Mumsnet est un véritable signal d’alerte. Ils ne peuvent juste pas supporter que des mères et des femmes ordinaires puissent se réunir librement et avoir des discussions critiques entre elles. Ne devraient-elles pas plutôt être à la cuisine, ou donner la poitrine à leur gamin ? [NdLT : la novlangue requiert que l’on parle de chestfeeding et non de breastfeeding – en français, on parle d’allaitement, ce qui ne fait pas référence à la partie anatomique des mères qui délivre le lait, hormis dans l’expression « donner le sein » qui devient « donner la poitrine ».] Lavery poursuit en disant qu’il y a « quelque chose de plus étrange » encore, derrière « l’ensemble du phénomène critique du genre en Grande-Bretagne » – et il l’appelle « le problème [des] seins qui suintent sur du chemin de l’école [NdLT : référence aux mères qui mènent leurs enfants à l’école], la vengeance des regrets féministes contre le plaisir féministe ». L’« aigreur » de ces mégères qui osent dire que les hommes ne sont pas des femmes traduit un « dégoût de la femme trans en tant qu’allégorie du plaisir incarné », nous raconte-t-il. Puis d’un soudain, il se lance dans une tirade sous-culturelle sur Mars Attacks, invoquant la « femmbot » du film, dont « les seins sont des armes balistiques » et qui « refuse de prendre part à la période de récalcitrance et de frigidité post-historique ». Et voilà, c’est dit noir sur blanc : d’un côté la femme trans, machine à plaisirs aux nichons monumentaux – la vraie femme, et de l’autre, toutes ces garces qui se cachent derrière Mumsnet et qui personnifient la frigidité.
C’est de la misogynie. De la misogynie à tous les niveaux – depuis son insinuation que les « femmes trans » comprennent mieux le plaisir féminin que les vraies femmes, qui, elles, sont critiques de l’idéologie du genre et « amères », jusqu’à à son opposition entre les seins qui suintent des mères nourricières et les seins balistiques des héroïnes martiales. Des seins froids, aigres et flasques – on croirait entendre Bernard Manning. Cet emploi de l’expression « seins qui suintent » sort tout droit du noyau pourri du trans-extrémisme, où fermentent une profonde envie et une profonde jalousie vis-à-vis des femmes et de la féminité. Lavery sait parfaitement que ses « nibards » qui lui ont été donnés par des « bonbons à nichons », ne suinteront jamais (bien qu’il puisse suer quelques goûtes par gynécomastie, condition qui touche les hommes). Il s’en prend donc aux femmes dont les seins « suintent » c’est-à-dire des femmes aux seins réels. Il a même l’air d’envier le sexisme que subissent les femmes. Lavery a déclaré qu’« Il y a quelque chose, dans le fait que les hommes vous traitent comme de la merde, proche d’une validation en soi (…) le fait d’être victime d’un franc sexisme, sans fard, est une expérience galvanisante et exaltante ». Mesdames et messieurs, applaudissez l’Envie d’Oppression des élites wokes privilégiées qui rêvent d’être maltraitées pour pouvoir être élevées aux rarissimes Rangs des Victimisés.
Au départ, j’ai failli qualifier Lavery de « Rachel Dolezal du transgenrisme ». Mais en fait, il est bien pire que Dolezal. Pour être au niveau de Lavery, il faudrait que Dolezal parle sans cesse de la peau luisante des noirs, et d’à quel point elle rêve d’obtenir l’aspect plein et charnu de leurs lèvres, et à quel point elle meurt d’envie de voir et d’empoigner ces fameuses bites noires bien fermes. Si Dolezal nous sortait ne serait-ce qu’un dixième de ces choses, nous l’identifierons sur le champ pour la raciste infecte qu’elle serait. Alors pourquoi si peu de gens sont prêts à dénoncer le sexisme flagrant des transactivistes qui déclarent croire que des hommes peuvent devenir des femmes en annonçant simplement qu’ils sont des femmes, en imaginant simplement qu’ils ont une chatte, en prenant simplement des bonbons à nichons pour ressembler aux salopes des films pornos ? Mme Dolezal est blanche, et M. Lavery est un homme. Nous n’avons qu’à énoncer ces simples vérités, là, maintenant, tout haut. »
Brendan O’Neill est le rédacteur politique en chef de Spiked et l’hôte du podcast de Spiked, The Brendan O’Neill Show.
Brendan on Instagram: @burntoakboy
Traduction : Audrey A.
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