Fatiha Boudjahlat : «Le féminisme est universel ou il n’est rien»
Avertissement : Ceci est un document de travail d’une traduction pour anglophones, il devait figurer à l’origine sous le texte traduit en anglais mais pour des raisons de mise en page et de présentation il était plus lisible de séparer les deux versions. Il s’agit d’extraits d’articles et/ou entrevues, afin d’introduire les idées des autrices au grand public, mais en aucun cas d’un compte rendu exhaustif de leurs pensées… Afin de mieux les connaître n’hésitez pas à acheter leurs livres ! Merci pour votre compréhension.
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Professeure de géographie et d’histoire à Toulouse, autrice de nombreux articles et essais, ainsi que de deux ouvrages : « Le grand détournement, Féminisme, tolérance, racisme, culture » et « Combattre le voilement. Entrisme islamiste et multiculturalisme. ». Volontiers polémiste, brillante argumentatrice, lectrice passionnée, militante solaire et chaleureuse, on a eu la chance de la rencontrer à Paris en 2017. Féministe engagée (notamment contre les violences sexuelles faites aux enfants), abolitionniste (comme quasiment toutes les autres féministes laïques universalistes !), Fatiha est devenue une intellectuelle qui compte dans le paysage culturel francophone.
A propos du voile :
Sur le voilement, on peut avoir recours à différents registres (juridiques, théologiques, etc.) Le seul registre valable, efficace est le registre politique. C’est lui qui rend légitime notre opposition au voilement sans tomber dans l’excès. Pour reprendre le titre d’une tribune de Catherine Kintzler : « c’est une fausse question laïque, mais une vraie question politique ». Ce choix et cet acte du voilement n’ont rien d’innocent pour des femmes nées ici, scolarisées sans foulard. Ces femmes font le choix d’un voilement qui n’est pas celui de leurs parents. Le voilement participe de la construction d’une invisibilité ostentatoire, d’une ostentation de et dans l’invisibilité, l’uniformité, la désindividualisation. Ce développement du voilement s’appuie sur un détournement sémantique qui a pour effet une minimisation : on ne parle plus de « mode islamique » mais de mode pudique. De manière analogue, on cherche à remplacer le terme d’excision par « circoncision féminine ». Cette an-historicité participe du relativisme ambiant. La stratégie est claire : dissimuler l’offensive politique et religieuse contre les femmes sous les habits plus acceptables du culturel et du traditionnel. Je fais cette analogie entre le voilement et l’excision pour faire ressortir l’argument principal qui est celui de la tradition, qu’il faudrait toujours respecter et qui prendrait le pas sur l’application du Droit. Cet argument n’a qu’un but : réduire le féminisme à un particularisme occidental pour en nier l’universalité. Ainsi, la sociologue et féministe Christine Delphy a déclaré dans les colonnes du journal The Guardian: « le féminisme doit s’adapter aux spécificités culturelles et religieuses musulmanes pour échapper à l’accusation d’islamophobie »7. Adaptation et spécificités… Le titre de l’article est éloquent : « les féministes françaises ne doivent pas trahir les Musulmanes en soutenant les lois françaises racistes ». L’alibi de la tradition et de la culture permet d’ores et déjà d’interroger notre seuil d’indignation. Nous tolérons pour les femmes ce que nous n’accepterions jamais pour les hommes. Les politiques basculent même dans l’obséquiosité lors de visites officielles, les femmes des délégations françaises portant des foulards. D’autres femmes occupant des fonctions politiques ou publiques ne l’ont pas fait, comme la reine du Maroc par exemple, sans aucune conséquence diplomatique. Spécificités culturelles et religieuses, écrivait Mme Delphy, pour s’opposer aux lois que s’est données la République, les aménager : Nous sommes bien dans le différentialisme – défendre la différenciation des droits en fonction de l’appartenance ethnique et religieuse. Le piège de l’assignation identitaire se referme.
Alors posons-nous une question : pourquoi ce qui est bon pour certaines femmes ne le serait-il pas pour les femmes d’une autre couleur, d’une autre culture, d’une pratique religieuse différente? Pourquoi les unes devraient-elles accepter ce que les autres refusent pour elles et pour leurs filles ? Les féministes d’ici refuseraient le voilement parce qu’elles le perçoivent comme un signe d’asservissement, mais dans le même temps, ces féministes le défendent pour « ces » femmes, parce que cela se passe comme ça « chez elles » ? On est dans l’orientalisme dénoncé par Edward Saïd. Interrogeons-nous sur notre vision des femmes de culture différente, sur notre conception de l’altérité. La pratique religieuse semble servir de base à la construction de l’altérité, qui dispenserait donc de l’application, non seulement de la loi, mais aussi de ce qui est considéré ordinairement comme juste ou idéal. « Je ne veux pas du foulard pour moi parce qu’il est un signe d’asservissement de la femme, mais je défends cette possibilité pour les « autres » femmes parce que, étant « autres », ce symbole n’est plus connoté négativement » : ce discours féministe est contaminé par le paradigme de la pureté, de l’authenticité ; c’est le retour du bon sauvage. Relativisme toujours : le sens, la signification, le signal du voilement seraient-ils donc différents en fonction de l’appartenance ethnique de la personne ? La question clef est en fait celle de l’universalité du combat féministe. C’est un combat politique, il est donc universel. Le féminisme est universel ou il n’est rien. La dignité des femmes et l’égalité en droits entre les femmes et les hommes sont universelles, parce que si elles sont particulières ou spécifiques, elles ne sont rien. »
« Je récuse la vision qui consiste à faire des femmes voilées des victimes. C’est un choix, mais la liberté de se voiler n’exclut pas la notion de contrainte. Ces femmes ne portent pas le voile sous la menace d’une arme, mais sous la contrainte intégrée du triptyque propre à tous les patriarcats: virginité, pudeur, modestie. Le fichu se fait fétiche de ces exigences masculines qui font toujours du corps de la femme le récipiendaire de l’honneur de la famille. Le féminisme est un combat politique pour l’émancipation individuelle et collective des femmes. Il n’y a pas de choix libre sans éducation au choix. Il faut s’interroger sur la nature, les modalités de l’obtention et de la construction du consentement. Il s’agit d’une contrainte, sans violence physique en général, une emprise sociale de type sectaire ou communautaire. Cette emprise est choisie et assumée, mais elle n’est pas moins exogène et coercitive. Une des modalités de cette contrainte se présente sous la forme de l’alternative. L’alternative entre le vice et la vertu, entre la pute et la pudique. Sur les réseaux sociaux, les islamistes parlent des femmes ne portant pas le voile comme de « femmes dénudées ». Dans ses Méditations métaphysiques, Descartes décrivait le libre-arbitre comme la faculté de « se déterminer sans qu’aucune force extérieure ne nous y contraigne ». On ne peut parler de choix libre que s’il y a équivalence morale entre les deux termes de l’alternative, et donc construire une alternative entre le vice et la vertu ne donne pas la possibilité de choisir librement. C’est une chausse-trappe, un choix piégé. L’alternative construite entre la loyauté à un groupe auquel on est affectivement lié et ce qui est vécu et présenté comme une trahison de celui-ci n’est pas plus un choix libre. De plus, dans un pays démocratique, occidental, de libertés individuelles et collectives, la femme qui se voile n’est pas dans le simple exercice, individuel a fortiori, d’une liberté, ce qui est la définition d’un droit. Elle crée un cadre coercitif pour les autres femmes, puisqu’elle valide cette alternative. Elle est l’instrument d’une pression collective qui contraint les autres femmes à faire de même. La femme optant pour ce voilement venu de très loin, de plus loin que les pays de ses parents immigrés, met en danger celle qui ne le porte pas. Parce que la pratique radicale devient le mètre-étalon de la pratique religieuse ordinaire. Il y a là un vrai goût pour la radicalité, l’intensité de la pratique étant assimilée à sa pureté. C’est aussi l’argument de l’orthodoxie, habile alibi sémantique pour déguiser cette nouvelle radicalité religieuse inédite en France. On ne peut parler de choix libre sans éducation au choix et à la liberté, ce qui relève de l’autonomie. C’est le cas pour les petites filles, de plus en plus jeunes, voilées de manière de plus en plus couvrante. Où en est notre seuil d’indignation ? Ce voile imposé aux petites filles leur signifie clairement que leur condition féminine fait d’elles des êtres différents, de valeur seconde. La petite fille voilée grandit avec l’idée qu’elle doit correspondre à une place prédéterminée dans la famille et la société, qu’elle doit se conformer à ce que le groupe attend d’elle. C’est aussi le cas pour les petits garçons habitués au voilement des femmes et des fillettes, le voilement devenant la norme après avoir été normalisé. Quel choix est proposé à ces fillettes ? Celui de plaire à leurs parents ? De les rendre fiers dans cette surenchère de vertu ? De leur déplaire et de les décevoir ? Imaginons le courage, l’indépendance d’esprit nécessaire pour oser retirer son voile ! Comment attendre de femmes qui auront été voilées depuis l’enfance qu’elles soient capables d’arbitrer le conflit de loyautés entre leur autonomie et la conformité au groupe, à la famille, à la communauté ? Comment attendre d’hommes qui auront grandi avec cette vision des femmes qu’ils puissent s’en émanciper et les considérer comme leurs égales en droits et en dignité ?
La loi permettait de s’affranchir de ce déchirement du choix et de la marginalisation qui résulterait du dévoilement, son caractère coercitif offrant un abri. La loi aurait le même rôle que celui que le sociologue Abdelmalek Sayad attribue à l’école : « les immigrés attendent de l’école, et plus précisément de la ‘métamorphose’ que celle-ci est censée opérer sur la personne de leurs enfants […] qu’elle leur autorise ce qu’ils ne peuvent s’autoriser eux-mêmes, à savoir s’enraciner, se donner à leurs propres yeux et aux yeux des autres une autre légitimité ». Cette analogie avec l’école, dans ses effets attendus, fait sens. Personne ne peut attendre, exiger, d’un membre d’une communauté dont l’identité est reconstruite sur une base religieuse rigoriste, que ce dernier fasse le choix de se distinguer et de risquer l’exclusion sinon même l’excommunication. Cette radicalisation religieuse fait de nos compatriotes des immigrés de l’intérieur, des immigrés à perpétuité. »
« Le voilement s’accompagne du reste de l’équipement mental, politique, religieux, qu’il implique. Si c’est le choix de la vertu qui est imposé, celle-ci doit être recherchée partout. Le Rapport Obin sur les signes et les manifestations religieuses dans les établissements scolaires, remis en 2004 au Ministre Fillon précisait : « Partout le contrôle moral et la surveillance des hommes sur les femmes tendent à se renforcer et à prendre des proportions obsessionnelles. Presque partout la mixité est dénoncée et pourchassée. » Et on repense à ces demandes de non mixité, ces créneaux réservés aux femmes dans les piscines municipales, cette auto-école dans laquelle la monitrice assume de refuser de former les hommes à la conduite, cette secte juive ultra-orthodoxe et ultra-minoritaire recommandant d’empêcher les femmes appartenant à cette communauté de poursuivre des études. Le Rapport Femmes et sports remis par B. Deydier en 2004 à la ministre de la parité et de l’égalité professionnelle signalait déjà un recul net de la pratique sportive féminine dans les « quartiers » défavorisés.
Du faux compromis entre tradition et modernité : L’effet cliquet est manifeste, tout ce qui est obtenu sert de base à de nouvelles revendications. Effet cliquet dont les manifestations sont décrites dans la conclusion du Rapport Obin : nous sommes face à des « adversaires rompus à la tactique et prompts à utiliser toutes les failles, tous les reculs et toutes les hésitations des pouvoirs publics et pour lesquels un compromis devient vite un droit acquis ». Une de ces habiletés a consisté, à l’occasion de l’affaire des burqas de plage, à retourner le féminisme contre les femmes et à présenter le droit de s’ensevelir comme l’exercice de la liberté des femmes. C’est l’occasion de battre en brèche un argumentaire qui se répand : celui du compromis entre la tradition et la modernité, celui de l’étape nécessaire vers l’émancipation. Le burkini serait le compromis idéal entre la volonté de pratiquer sa foi et l’envie de participer à des loisirs en famille et en plein air. Son port serait même la première étape vers l’émancipation, dans une évolution lente mais certaine, allant de la burqa au simple foulard, voire au dévoilement. Le burkini aboutirait en somme à une intégration et à une émancipation par les loisirs. La preuve ? Les salafistes ne permettent pas que leurs femmes aillent sur la plage. Elles restent à la maison. Ces arguments assez condescendants et résolument différentialistes révèlent une faille dans le raisonnement. Les femmes qui optent pour ce voilement radical sont nées ici. Elles ont été scolarisées sans foulard. Elles sont nos compatriotes, pas des immigrées sur le chemin de l’intégration, qui font le choix de ces capsules spatio-temporelles, l’islam étant le prétexte pour, selon les mots de Tahar Ben Jelloun, « rejoindre dans un saut étrange la régression que leurs parents ont laissée au pays »10. C’est pire, elles optent pour des tenues venues du Moyen-Orient, non du Maghreb. Alors oui, on voit ces femmes en burqa conduire, posséder des smartphones, aller au restaurant, à la plage. S’ouvrir dans leur enfermement qui s’avère donc compatible avec les loisirs et la mobilité. Tolérer ce voilement inflationniste n’est pas un compromis nécessaire, un pis-aller efficace. Si elles font le choix de l’enfermement, qu’elles l’assument, au lieu d’avoir le beurre de l’arrogance religieuse et l’argent du beurre du confort occidental et moderne. Il convient alors de s’interroger sur l’efficacité d’accepter cet entre-deux permettant d’associer le confort de la consommation des produits occidentaux ou des loisirs à la démonstration prosélyte. L’accès à la mer ou le consumérisme ne disent rien du degré d’émancipation individuelle. »
« Ne nous trompons pas. La loi (en France) limite le voilement intégral dans l’espace public depuis 2010, pour des raisons de sécurité, évitant ainsi la censure de la Cour Européenne des Droits des Droits de l’Homme. La loi limite le voilement partiel pour les mineures scolarisées dans le public et pour les fonctionnaires. Pour le reste, il nous faut engager un bras de fer politique et opposer au voilement, aux femmes qui en font le choix et s’en vantent, aux hommes qui le glorifient et en défendent l’application, la dignité, l’égalité en droits et l’émancipation. Redisons-le : le voilement, même signé Hermès, infériorise les femmes en droits et en dignité. La très accommodante Cour Européenne des Droits de l’Homme ne dit pas autre chose dans son arrêt du 15/02/2001, quand elle reprend une décision du tribunal suisse prise lors de l’affaire dite Dahlab, confirmé par la Grande Chambre de la CEDH dans son arrêt Leyla Sahin contre la Turquie. La Cour met ainsi l’accent sur le « signe extérieur fort » que représentait le port du foulard par une enseignante et s’interroge sur l’effet du prosélytisme que peut avoir le port d’un tel symbole, puisqu’il semble être imposé aux femmes « par un précepte difficilement conciliable avec le principe d’égalité des sexes ». Le voilement n’est pas conciliable avec la dignité et l’égalité en droits des femmes. Il ne s’agit pas d’être dans la générosité misérabiliste que dissimule l’acceptation de ce voilement pour nos compatriotes. Il s’agit de justice, de respect, d’ambition qui permet de reconnaître ces femmes comme nos compatriotes et donc nos égales en droits et en devoirs. »
« L’œuvre des islamistes consiste à nouer le voile à la pudeur. Ce qui revient à faire des femmes qui ne le portent pas des putes. Nous ne sommes plus dans la logique du « Ni pute ni soumise », mais dans celle du « Ni pute, ni Pudique ». Cette alternative entre la pute et la pudique est imposée par les religieux et leurs idiots utiles. Mais elle n’existe que dans leurs têtes, nous ne devons pas la laisser s’installer dans la société. Leur victoire est déjà dans l’installation de la pudeur comme mètre-étalon à l’aune duquel se mesure la valeur des femmes. C’est déjà se placer dans le repère orthonormé religieux. C’est déjà une défaite politique. Les islamistes sous-traitent la contrainte. La soumission avait ceci de dépassé pour les nouveaux ayatollahs qu’elle signalait trop ostensiblement sa dimension oppressive et coercitive en étant imposée de l’extérieur. Mais avec cette récente insistance sur la pudeur, cette criminalisation du corps féminin repose entièrement sur les femmes : la contrainte devient endogène, les femmes se l’imposent à elles-mêmes. Et avec le sourire. Avec ce lien noué entre voile et pudeur, les religieux inversent la charge de la preuve et de la responsabilité. Ils externalisent le contrôle des pulsions masculines vers les femmes. En matière de sexualité, la pudeur incombe aux femmes : c’est à elles de ne pas susciter le désir des hommes en exposant des parties de leurs corps. Mais qu’est ce qui excite les hommes ? Des jambes nues ? Des cheveux lâchés ? Un visage ? Une silhouette ? Ou le simple fait d’être une femme, même dissimulée entièrement sous des tissus ? On en vient à penser que les hommes sont perpétuellement en rut. Les femmes n’en feront jamais assez. Le rapport Femmes et sports de Brigitte Deydier, remis au ministre de la Parité et de l’Egalité professionnelle alertait dès 2004 sur un recul de la pratique sportive des filles dans les quartiers en difficultés. Le sport est impudique puisqu’il met en mouvement le corps. C’est la même logique de culpabilisation du corps féminin qui est à l’œuvre, la nouveauté tient à son étendue et à l’étrange complaisance dont elle bénéfice dans les médias, chez certains élus et intellectuels. Ils cautionnent un système dans lequel les femmes qui ne portent pas le foulard invitent, voire incitent, à la luxure. »
« Dans sa conférence « Laïcité et religion » dans la France d’aujourd’hui, Abdennour Bidar a parlé de « subjectivités aliénées » à propos « des femmes qui prétendent exercer leur libre-arbitre et leur liberté en portant ce voile ». L’aliénation peut être volontaire, elle n’en pas moins aliénation. Vauvenargues avait évoqué la « servitude volontaire », cette servitude qui « avilit (…) au point de s’en faire aimer ». Il en est du voile islamique comme des femmes battues qui restent loyales à l’homme les opprimant. Quand elles portent le voile islamique en France, ces femmes mettent en danger toutes les femmes qui ne le portent pas. Elles valident la pensée islamique externalisant la vertu. Selon eux, ce n’est pas aux hommes d’être dans la maîtrise de soi, c’est aux femmes de ne pas les tenter. »
Les féministes pro voile :
« Des féministes pro voile se sont dites choquées par les résultats du récent sondage réalisé pour francetvinfo.fr, dans lequel on apprenait que 27% des français pensaient que l’auteur d’un viol est moins responsable si la victime portait une tenue sexy. Mais avec ce voile qui se généralise, c’est la tête nue des femmes qui les rendent sexy et donc coupables d’incitation à la débauche. La charge de la preuve et de la vertu est inversée. Certaines féministes sont choquées ici, et étrangement complaisante ailleurs. Ce n’est pas un manque de cohérence, c’est l’acceptation que la tradition, si elle vient d’Orient et prend les atours de la victime coloniale, est supérieure au Droit. L’égalité dans l’entre-soi occidental, l’inégalité dans l’ailleurs. Ces féministes se sont perdues dans le relativisme culturel. Elles défendent pour l’autre, l’orientale, ce qu’elles rejettent pour elles-mêmes. Le mode de vie occidental leur paraît être un instrument de domination masculine à l’encontre des femmes orientales. Ce faisant, elles jouent les idiotes utiles des islamistes radicaux. Et se retrouvent à fustiger la laïcité, que les gauchistes-culturalistes présentent comme un instrument de domination des blancs, tandis qu’elles en font un instrument de domination de l’homme blanc. Elles ont le voile sympathique, mais, en raison de conditions socio-économiques privilégiées, elles ne s’exposent pas à subir le reste de la panoplie: mariage arrangé, domination, restriction de circulation. Je me doute que les riches saoudiennes souffrent moins de leurs vêtements religieux couvrant des produits de luxe, que la femme afghane. Le voile marque l’infériorité en droit des femmes, il faut le dire et le reconnaître. »
« Je considère que ma couleur de peau, mes origines, mes croyances ne me rendent pas différente de mes compatriotes blanches. Que ces nouvelles féministes me contestent le droit à la parole parce que je ne reste pas à la place qu’elles me destinent, voilà le racisme. Celui des bons sentiments qui livrent les femmes au patriarcat oriental. Voilement, excision, mariages précoces et/ou forcés, triptyque imposé aux femmes de la virginité, de la pudeur et de l’humilité. Si vous refusez aux femmes qui ne sont pas blanches ce que vous exigez pour vous, ce n’est pas de la tolérance, c’est du racisme, celui qui protège vos privilèges de classe. Ces féministes du dimanche ne cessent de réclamer la parité dans la sémantique et dans les titres, demandent à ce que les réunions savantes ne soient plus appelées séminaires, terme trop masculin, mais ovarium. Par contre, elles ne trouvent rien à redire quand des petites filles portent le foulard islamique. L’ennemi est l’homme blanc dominateur, dont l’homme oriental dominateur est lui aussi une victime, comme les femmes. Elles en sont donc solidaires, d’où leur silence et leur comportement étrange lors des agressions sexuelles de masse de Cologne. Ce différentialisme ethnique et culturel n’est que mépris et la condescendance. Parce qu’il crée un deux poids deux mesures. Il combat le patriarcat de l’homme blanc mais trouve des circonstances atténuantes à celui de l’homme oriental sous prétexte de fait culturel, et considère que le critiquer serait discriminatoire. Il veut dépénaliser l’excision pour ne pas juger la culture des autres. Il fait du voile un objet de liberté arguant du fait que la plupart des femmes voilées le sont de leur plein gré, alors qu’elles se soumettent, ce faisant, aux injonctions intégrées de tous les patriarcats : virginité, pudeur, modestie. Or, une femme orientale ne souffre pas moins qu’une blanche. Et il n’y a aucune raison de considérer que ce qui est bon pour les blanches ne l’est pas pour les autres. Ça n’est rien d’autre que du racisme et une résurgence de la figure du bon sauvage. Il faut sortir de l’imposture politique et nommer les choses : les indigénistes et les islamistes sont des conservateurs d’extrême-droite. Leurs soutiens gauchistes sont des réactionnaires racialistes. Et moi, je suis de gauche, et j’ai une lecture sociale des choses, pas ethnique. Le féminisme est en train d’être dévoyé. Et c’est autant le résultat d’activistes politiques que d’universitaires dogmatiques. Quand Judith Butler explique que les femmes afghanes ne doivent pas se délester de leurs burqas grillagées, pour ne pas prêter leur concours à l’impérialisme américain, je vois une grande bourgeoise blanche américaine dans le confort de son bureau, qui livre pieds et poings liés ces femmes à leur sort. Ce nouveau féminisme racialiste combat le patriarcat blanc, mais valide son pendant oriental. Il se réduit alors à un combat pour que les femmes non-blanches, puisque l’ethnie est déterminante, puissent obtenir le maximum de ce qu’elles peuvent espérer dans les limites du cadre mental, culturel, juridique que les hommes de leur communauté religieuse auront fixées. Les mots de tolérance, de culture, de féminisme ont été détournés de leur sens politique universel pour devenir des facteurs et des prétextes à la partition ethnique. »
islamophobie, racisme :
« Il y a une idée que j’aime bien citer, c’est la loi du sociologue et homme politique américain Daniel Moynihan, qui dit que plus il y a de plaintes pour racisme dans un pays, meilleure est la situation. Car si je vais porter plainte pour racisme, c’est que j’ai conscience d’avoir subi un préjudice, et que je pense que l’État va le réparer. On ne va pas porter plainte pour racisme dans un état raciste… Donc, comme ils ne peuvent plus vraiment fonder leurs théories sur le racisme, les leaders musulmans les plus orthodoxes ont inventé l’islamophobie. D’une part pour faire taire les gens, d’autre part pour coaliser les musulmans et créer une communauté qui n’existait pas. Structurellement, il n’y a pas un pape chez les musulmans, ce qui permet à chacun d’entre eux d’emprunter des chemins de vie différents. »
« Qui est le plus raciste? De nos jours, c’est celui qui somme une fille d’immigrés de retourner à une prétendue origine et authenticité, celle de la religion, pratiquée de manière radicale. Le raciste est celui qui interdit de penser en dehors de son épiderme et de la communauté ethnique dans laquelle il assigne l’autre à résidence. Le raciste est celui qui empêche de vivre heureux et libre ici, en faisant du lien avec l’ailleurs une chaîne qui aliène et oppresse. Le raciste interdit ou criminalise l’émancipation, c’est à dire l’autonomie, la pensée par soi-même. »
« Parce que l’identité se construit, elle est individuelle, évolutive, multiple, apaisée et alors elle est heureuse. Elle ne se reçoit pas, que se soit par le sang ou par la contrainte, elle n’est ni communautaire ni collective, encore moins religieuse. On n’est pas heureux quand on est enrôlé dans une guerre contre le pays dans lequel on est né et dans lequel on a grandi. Les islamo-gauchistes et les identitaires posent cette alternative : aimer la France, c’est trahir les siens et ce que l’on est. Comme Salomon, la justice réclame de se débarrasser de celui qui impose l’alternative, piège de la pensée. L’identité religieuse n’est pas l’identité première ou irréductible d’un individu. Il faut sortir de ce chantage à l’authenticité et à la fidélité. »
Multiculturalisme :
« Bhikhu Parekh, un des chantres du multiculturalisme, écrit : « Par définition, une société multiculturelle se compose de plusieurs cultures ou communautés culturelles disposant chacune de ses propres systèmes de sens, de significations et de vues sur l’homme et le monde »8. On peut choisir de son plein gré d’embrasser une tradition comportant des normes discriminatoires selon les standards européens, mais acceptables et même désirables selon ceux de sa communauté d’appartenance. La communauté, plus particulièrement religieuse repose sur cette adhésion ‘libre’, c’est une servitude qui « avilit l’homme au point de s’en faire aimer »9. C’est au nom de la liberté que Parekh se prononce contre l’interdiction de l’excision puisqu’elle « ne montre aucun respect pour la liberté de choix et de la culture des femmes. » Il écrit ailleurs : « L’excision pratiquée sur les enfants est inacceptable. […] Dans certaines communautés cependant, l’excision est librement consentie par des femmes adultes, saines et éduquées après la naissance de leur dernier enfant comme moyen de réguler leur sexualité, ou pour se rappeler qu’elles sont désormais avant tout des mères »10, et dans ce cas de figure du libre consentement de la femme adulte, il ne comprend pas au nom de quoi il faudrait interdire cette pratique. Il tient le même raisonnement au sujet des mariages arrangés : « Même s’ils n’ont pas fait ce choix de manière consciente et se satisfont de la situation par routine sociale, [les mariés] devraient avoir le même droit que les autres à gérer leur vie personnelle »11. On peut inclure le voilement et les mariages précoces dans cette « routine sociale », mais celle-ci est associée, dans nos États démocratiques, à l’exercice d’une liberté. Il ne faut donc pas mettre en avant l’argument de la liberté, mais s’interroger sur son contenu, les finalités et les modalités de son exercice.
Il convient donc de redonner un contenu éthique à la liberté, en reprenant la définition que Montesquieu en donne dans le livre XI de « De l’Esprit des Lois » : « La liberté politique ne consiste point à faire ce que l’on veut. Dans un État, c’est-à-dire dans une société où il y a des lois, la liberté ne peut consister qu’à pouvoir faire ce que l’on doit vouloir, et à n’être point contraint de faire ce que l’on ne doit pas vouloir ». Il faut déconnecter la liberté de la communauté pour lui rendre son universalité et mettre en regard l’individu et l’État-Nation sans l’intercession de la communauté, pour ce qui est des impératifs catégoriques comme l’égalité femme-homme. Le choix libre demande aussi une autonomie dans le jugement, loin de la « routine sociale ».
Le dispositif multiculturaliste fonctionne comme un quartier des ambassades : les communautés humaines deviennent des territoires consulaires, des morceaux de là-bas installés ici, fonctionnant selon les règles de là-bas, que l’État reconnaît. On pourrait appliquer à ces communautés le préambule et l’article 22 de la Convention de Genève sur les relations diplomatiques de 196121 : « [ Les États étant] persuadés qu’une convention internationale sur les relations, privilèges et immunités diplomatiques contribuerait à favoriser les relations d’amitié entre les pays, quelle que soit la diversité de leurs régimes constitutionnels et sociaux, convaincus que le but desdits privilèges et immunités est non pas d’avantager des individus mais d’assurer l’accomplissement efficace des fonctions des missions diplomatiques en tant que représentants des États ». C’est la même argumentation qui est utilisée en situation multiculturaliste, la communauté devenant en effet une mission diplomatique. Les lois de l’État ne s’y appliquent pas. Ses membres bénéficient d’une immunité face au Droit territorial. En régime multiculturaliste, l’État n’est vu et traité que comme un simple opérateur juridique, de même rang que celui de l’individu ou de la communauté ; les lois qu’il prescrit ne s’appliquent pas aux communautés habitant le territoire qu’il administre. Or la République est un régime juridique mais c’est aussi une catégorie de l’imaginaire et un contenu fort en termes de vertu civique. À ce titre, elle repose sur le consentement vis-à-vis des lois dont la Nation décide souverainement, et dont les citoyens reconnaissent la légitimité. La conception politique multiculturaliste de co-souveraineté au nom de l’intérêt général se dissout dans des revendications faussement individuelles. Nous sommes dans la logique de ce que l’État doit à l’individu (dont l’identité se définit par la reconnaissance d’un groupe), et non plus dans ce que l’individu doit aux autres, ses concitoyens et non ceux qui lui ressemblent, pour former une association politique. C’est un détournement considérable, qui porte atteinte à la communauté nationale politique, et à son État. Il nous faut donc défendre l’État-Nation et sa conception politique de la communauté nationale que régit un droit territorial qui assume de ne pas reconnaître les communautés, spécialement religieuses, comme exerçant le monopole du chemin vers la vie bonne. Par cette fermeté, nous autoriserons ce que les membres des communautés ne peuvent s’autoriser : s’enraciner en France tout en préservant les traits culturels essentiels. Une culture ne devrait pas construire sa stabilité et sa valeur sur la perpétuation de rites comme l’excision, les mariages précoces ou le voilement des petites filles. Il faut déconnecter la préservation de la communauté de la vitrification de ses pratiques les plus ostentatoires ou invasives. Comme l’écrit Will Kymlicka, « La communauté culturelle continue d’exister même lorsque ses membres sont libres de modifier les caractéristiques de la culture en question, et même s’ils trouvent que ses modes de vie traditionnels ne sont plus valables »27. Le problème posé par le multiculturalisme, et sa défense de pratiques insupportables au nom de la préservation de l’authenticité culturelle de certaines communautés, est aussi celui de l’autonomie de l’individu et de la maîtrise éthique de son destin. »
MeToo et l’intersectionnalité :
« Le mouvement « Me Too » a libéré la parole des femmes. D’abord occidentales et ne le cachons pas, de classes sociales favorisées. Et exposant d’abord des hommes d’influence et des comportements de prédation systémique. Mais Metoo a essaimé et l’attention a été portée en France par exemple sur le sort réservé aux femmes de ménage, précarisées socialement, par des petits chefs. Elles n’ont pas fait d’aussi belles victimes que les actrices ou les journalistes, il faut le reconnaître et se poser la question du formatage marketing indispensable pour rencontrer le succès médiatique.
Le combat féministe, plutôt que d’être élimé par le racialisme à la mode, ne pourra jamais faire l’économie d’une analyse de classes sociales : Dès 1846, la militante socialiste et féministe Française Flora Tristan écrivait que la femme était « la prolétaire du prolétaire ». La religion et les religieux prêtent ainsi leur concours au maintien du système des privilèges sociaux et économiques en permettant aux hommes précaires, illettrés, pauvres, de dominer. L’homme oubliera ou composera avec les injustices sociales, la main mise de quelques familles sur l’économie, tant qu’il aura un droit de propriété sur les femmes, réduites à des biens meubles par les codes de la famille nationaux. Comment les faire renoncer à ce pouvoir ?
MeToo dénonce les effets et les moyens du patriarcat et de la culture du viol en Occident. Il doit être aussi l’occasion de dénoncer tous les patriarcats. Ce que se refusent à faire les néoféministes. Le manque de cohérence interroge quand on s’associe à la dénonciation d’un droit de cuissage atavique en Occident sans contester ici et ailleurs les effets du patriarcat arabo-musulman, dont je parle et que je combats parce que c’est celui que je connais le mieux. Comment se dire féministe sans récuser le triptyque que tous les patriarcats imposent aux femmes et qui se décline selon la sainte trinité masculiniste de la virginité, de la pudeur et de l’humilité et que le voilement concrétise ?
La mode en sciences sociales et dans l’activisme politique est à la déconstruction, puisque tout est une construction socio-linguistique. Les religions ne doivent pas faire exception à cette déconstruction. Et l’islam pas plus. D’autant qu’oubliant les riches pétro-monarchies, il est la religion des classes populaires, avec un effet de domination multiplié. Il est évident que toutes les religions, monothéistes et polythéistes, sont structurellement et ontologiquement patriarcales et servent les intérêts des hommes en justifiant leur domination sur la femme. Pourquoi le reconnaitre et le combattre dans le catholicisme et pas dans les autres religions ? Parce que dans les autres religions, le judaïsme et l’islam, les gens croient pour de vrai, eux ?
Ce moment si particulier que fut MeToo, ce changement de paradigme mondial, ne sera effectif que si sa dimension universelle est revendiquée et assumée. C’est en scindant le féminisme, surtout sur une base ethnique et religieuse, que l’on nuit aux femmes. Il faut l’écrire : le féminisme universaliste est accusé d’être un réducteur d’altérité, l’imposition d’une conception de l’émancipation et des droits portée par des blanches, et qu’il ne peut porter les aspirations des non-blanches. Prétendant le dénoncer, on bascule en fait dans l’orientalisme avec une opposition caricaturale entre les orientales et les occidentales (les asiatiques n’intéressant guère). Mais que faire de celles qui sont nées et ont grandi en Occident ? Il ne s’agit donc pas de la critique d’un système de normes sociales, mais d’une régression raciale et donc raciste. Au nom de quoi aurais-je des aspirations différentes, et en fait moindres, que les féministes blanches et bourgeoises ? Au nom de quoi ce qu’elles refusent pour elles et leurs filles serait bon pour moi ? Qui m’institue comme une Autre irréductible ? Qui fait alors de moi un Bon sauvage ? Qui porte ce discours et ce chantage à l’authenticité ethnique primant sur mes aspirations et mes ambitions de femme ?
J’ai compris très tôt, fille unique avec sept frères, ce que l’on attendait de moi en tant que fille. Le ménage. Le consentement. La discrétion. Durant tout le temps où mon père a vécu avec nous, mes frères en étaient dispensés d’office, c’était une vocation pour ma mère et pour moi. Le moindre accès aux activités extérieures allait aussi de soi. L’aliénation est par principe intégrée. La Maison des jeunes et de la culture de mon quartier était très active. Mais il suffisait qu’un garçon décide de s’inscrire à une activité pour que les filles s’en retirent, souvent d’elles- mêmes, parce qu’il nous fallait toujours être des filles bien, ou parce que nos frères l’exigeaient. Ce système, qui n’a rien de nouveau, n’a jamais inquiété les bailleurs de fonds municipaux. Déjà ce petit arrière-goût racialiste du « c’est comme cela chez eux ». Je n’étais pas féministe, je percevais pourtant les privilèges de mes frères, sans mettre ma grande bouche sur le compte d’une éducation déjà occidentalisée. Un soir que j’étais couchée, partageant ma chambre avec trois de mes frères, mon père m’appela depuis le salon pour que je change de chaîne télé, alors que le poste de télévision n’était qu’à trois mètres de lui. C’est moi qu’il convoqua. Ayant osé me plaindre de cette situation ridicule, je pus goûter à sa violence, étant patiemment et longuement frappée à coups de claques, de poings et avec son épaisse claquette. Parce que je ne m’étais pas glissée dans le rôle d’une télécommande. C’était injuste, mais c’était l’arbitraire du père, donc j’étais en faute. Oui le patriarcat arabo-musuman consacre la toute-puissance du père sur ses enfants, bien meubles. Dans une moindre mesure, de la mère, et c’est comme mère que la femme arabe est sanctifiée. L’abus de ce pouvoir se décline alors aussi au féminin, et j’ai souvenir de ma mère explosant de colère et me hurlant dessus « je t’ai sortie de mon cul, je te parle et je fais ce que je veux. » Pourtant, ce n’est pas lors de ces nombreuses démonstrations de violence, liées aussi à notre extrême pauvreté (elle-même organisée, puisque tout l’argent gagné par le salaire de mon père ou versé par les institutions était redirigé en Algérie, pour la construction d’une maison) que j’ai compris la place seconde que le patriarcat arabo-musulman réservait aux filles. Je l’ai vraiment perçu lors de vacances, dans un bled du bled. Un village pauvre de la région de Mascara. La maison que mon père faisait construire à nos dépens était presque finie. Mais mon père avait fait construire l’escalier en extérieur, si bien que pour monter au second étage, ma mère devait se couvrir et dans ce village de Mascara, les femmes ne laissaient apparaître qu’un œil. Un seul. Durant les vacances d’été, arrivant à Oran ma mère endossait son uniforme. Ce grand drap blanc typique que je trouvais joli. Il m’effrayait en même temps parce que j’avais peur de perdre ma mère dans la foule, toutes les femmes se ressemblant dans cette tenue. à Froha, le village de mon père, les femmes n’avaient droit qu’à un œil visible. Faut-il bénir l’ingénierie textile qui facilite la dissimulation et la disparition de l’identité individuelle des femmes ? Je ne crois pas. Un été, le soir de notre arrivée au village, je voulus rejoindre mes frères qui jouaient avec des enfants du village dans la rue. Un de mes frères, le plus doué à l’école, le plus raisonnable, me dit alors : « Ici c’est pas la France. Tu ne restes pas avec nous, tu ne sors pas de la maison. » Sans violence, c’était un simple fait. Que j’aurais dû connaître. C’est durant ce même été que mon père nous déroba nos papiers français, nous laissa à la rue, parce qu’il avait décidé de nous punir de je ne sais pas trop quoi. Il s’était acheté une deuxième femme plus jeune. Il en est actuellement à sa septième épouse consécutive. Par mariage religieux, ce qui le libère des obligations et de la protection qu’offre le mariage civil. Mais il est hadj trois étoiles : c’est un saint qui nous a laissé sans un sou mais qui est allé trois fois à La Mecque. Ma mère a eu l’intelligence de mentir et de prétendre qu’elle avait perdu ces papiers. Parce que le consulat Français aurait respecté le code de la famille algérien qui consacre l’autorité, en fait le droit de propriété absolu du chef de famille sur sa femme et ses enfants.
Je me souviens que, des années plus tard, un de mes grands frères voulut frapper ma mère – abandonnée à moins de 45 ans avec huit enfants – parce qu’elle avait émis le souhait de se remarier. Mais ce frère jaloux de notre honneur ne fit aucun reproche à mon Barbe-Bleu de père. Ce père qui un jour, allant au marché avec un de mes frères, lui avait dit que s’il rentrait à l’instant, il trouverait ma mère au lit avec un voisin. Cette défiance et cette haine des femmes est si forte dans notre « culture ». Cette obsession de la fierté, éloignée de toute considération éthique, juste réduite à la force et au pouvoir exercés sur la femme, ce récipiendaire de l’honneur des hommes. J’enrage quand je vois ces chères féministes bourgeoises blanches maintenir les femmes non-blanches dans cette oppression patriarcale par condescendance, parce que c’est notre « culture ». Parce que celle-ci, la mienne, contrairement à la leur, devrait être figée, traditionnelle, sacralisée. Tant pis pour nous. J’ai eu deux contacts avec mon père depuis ce fameux été de 1993. Une carte postale dans laquelle il écrivait qu’il espérait que je deviendrais hôtesse de l’air pour lui « acheter des pièces de camion ». Une autre longtemps après m’annonçant qu’il m’avait donnée en mariage à son neveu vivant en Angleterre. Mes frères ont ri. L’abandon de mon père fut à la fois notre plus grand malheur et notre plus grande chance, parce qu’il nous libérait d’une orthodoxie, et qu’aucun de mes frères ne disposait à lui tout seul du monopole de l’autorité et de la violence légitimes. J’ai eu de la chance, j’ai pu quitter ma ville pour faire des études. Pourtant, de tous ces évènements et de tant d’autres, celui qui m’a le plus marquée est bien cet épisode dans la rue de Froha. Je n’étais pas à ma place dehors. À jouer. Avec des garçons, alors que j’étais enfant. Mais surtout, mes frères changeaient d’attitude quand nous étions en Algérie. Ils jouaient un rôle. Le poids de la communauté. De l’opinion des autres. Un rang à tenir. Cette fierté masculine ridicule tellement méditerranéenne. Mille fois renforcée par la religion musulmane.
Ces éléments biographiques, je ne les livre ici que pour faire comprendre que le patriarcat oriental est aussi violent et oppressif que son pendant occidental. Et refuser de le reconnaître, c’est livrer des générations de filles et de femmes à un pouvoir masculin incontesté. Je suis donc médusée par ces féministes mondaines qui traquent le comportement patriarcal des Blancs dans la grammaire mais qui s’inclinent devant son pendant oriental, parce que les femmes orientales l’acceptent, négligeant toutes les avancées des sciences sociales et comportementales sur les concepts d’aliénation et de contrainte. Elles me font penser à ces bourgeoises visitant les zoo humains. Défense de nourrir lisait-on sur les panneaux. Défense d’émanciper devine-t-on de nos jours. Défense d’universel. Défense de considérer une femme non blanche comme son égale en droit et en dignité. Au nom du respect de la culture. Le relativisme culturel est un piège à connes.
La culture est l’élément de langage qui permet au patriarcat religieux de maintenir la sujétion des femmes : Les féministes blanches relativistes récusent pour les autres l’historicité du combat pour le droit des femmes. Elles ne partagent pas avec moi, la Maghrébine née et élevée en France, un régime d’historicité commun, elles m’excluent dans une allochronie condescendante, puisqu’elle revient à dire que je n’ai pas atteint le même niveau de développement et d’ambition qu’elles. Elles réfutent la nécessité d’obtenir par l’opposition, le combat, la prévention, l’abandon de pratiques dont l’ancienneté ne fait que confirmer la dimension patriarcale. Elles auraient le droit de profiter de la progression, encore en cours, de leurs droits, mais le refusent aux autres au nom du respect de leur « culture ». Ce qui est bon pour elles ne serait pas bon pour moi, à cause de ce que je suis ? Ce faisant – et il faut relever cette dimension sociale et politique –, elles ne confortent que leurs privilèges de classe. Vient la question-clé formulée par Martine Lefeuvre, alibi courant chez les féministes mondaines : « Nous faut-il émanciper [ceux qui pratiquent et ceux qui subissent l’excision] ? […] Mais au nom de quoi ? Quel point de surplomb occuper pour juger ces coutumes ? » Oui, mesdames, ce point de surplomb, vous l’avez revendiqué avec MeToo pour vos filles, vos sœurs, pour vous, mais vous le refusez pour « nous », les autres. Ce point de surplomb n’est pas un Occident idéalisé, un point fixe historique ou géographique. Il est politique, il est le combat pour les droits et la dignité. Il est la somme de nos efforts et de nos exigences. Il est nôtre.
MeToo a eu du succès en raison aussi de son adaptation à la communication moderne. Né des réseaux sociaux, décliné en 180 signes ou en threads, court, percutant, punchlinisé, il est formaté pour l’époque. Et je vois ces nouvelles féministes, mondaines et modernes dans la communication, défendant cependant des positions ultra-conservatrices sur le voilement ou les réunions en non-mixité raciale. C’est que le féminisme universaliste passe désormais pour ringard. Pas assez sexy. Pas assez moderne, pas assez subversif. Il est pourtant la plus grande subversion à l’entreprise mondiale de contrôle et de domination des femmes que portent les religions.
Souvent, elles nous opposent que nos divisions feraient le jeu des hommes. Et leur tolérance du patriarcat non blanc ne fait-il pas plus leur jeu ? Comme cette injonction à la sororité. Toujours le diktat de la structure familiale. Je n’ai pas de sœur. Je ne suis la sœur que de mes frères. Je suis l’égale, la compatriote, la compagnonne de route des féministes. Je ne veux pas de solidarité contrainte par des rapports biologiques aux autres, mais des rapports politiques. Le plus étrange avec ce néoféminisme réside dans sa prétention à porter un message subversif, contre le système. Outre l’impression désagréable de voir des bourgeoises s’encanailler, on ne peut que s’interroger sur le caractère subversif de leurs sites dont une lettre aux abonnées était subventionnée par Guerlain. Les industries du luxe ont toujours objectivé les femmes, imposé des standards masculinistes, misogynes et grossophobes. Ils créent de nouveaux marchés, de nouvelles dépenses, pas de nouveaux droits. Quelle prétention de se dire subversive quand on est reçue par toutes les institutions, les médias, qu’on est subventionnée par les industries du luxe… C’est la fausse subversion mondaine qui s’inscrit dans une stratégie marketing de féminisme-washing. Or ces féministes se veulent à la pointe de tous ces combats tellement à la mode et réunis par ce concept d’intersectionnalité.
Mais l’intersectionnalité sert les hommes : Les sciences sociales vivent par les mots et ont développé une véritable ingénierie sémantique. Un complexe vis-à-vis des sciences dures peut-être ? Tant que les spécialistes en usent, ils sont utiles et font progresser la connaissance. À condition qu’ils puissent être aussi questionnés. Quand ils sont instrumentalisés par des activistes, il faut les reconnaître pour ce qu’ils sont : de la propagande et non de la science. Il en est ainsi de l’intersectionnalité, si à la mode. Faire converger les luttes et constater l’effet cumulatif de différentes oppressions… Soit. Mais dans les faits, comme dans une intersection routière, il y a toujours un cédez-le-passage. Une priorité à respecter. Et ce sont toujours les femmes qui cèdent le passage aux intérêts du groupe ethnique et religieux auquel on les assigne, aux intérêts des hommes qui en sont les leaders. Qu’une Houria Bouteldja explique qu’une femme noire violée par un noir ne devrait pas porter plainte contre cet homme pour ne pas nuire à la communauté noire, que des « féministes » se soient opposées à la pénalisation du harcèlement de rue parce qu’elle aurait visée les hommes d’une certaine origine ethnique, comme si c’était un trait culturel atavique indépassable : ce sont toujours les hommes qu’il faut protéger aux dépens des femmes, de leurs paroles, de leurs souffrances. L’anti Metoo en fait. Houria Bouteldja a la candeur de décrire les conséquences politiques de ce féminisme racialisé : « Pour moi, le féminisme fait effectivement partie des phénomènes européens exportés ». Plus haut dans le même chapitre, « Si un féminisme assumé devait voir le jour, il ne pourrait prendre que les voies sinueuses et escarpées d’un mouvement paradoxal qui passera obligatoirement par une allégeance communautaire », « Nous appartenons à la communauté et nous l’assurons de notre loyauté » ou encore « j’appartiens à ma famille, à mon clan, à mon quartier, à ma race, à l’Algérie, à l’islam. J’appartiens à mon histoire et si Dieu veut, j’appartiendrai à ma descendance ». « Lorsque tu te marieras, (…) Alors, tu seras à ton mari. » Le culturalisme crée un féminisme aux conditions et dans les limites que la communauté et donc que ses leaders masculins fixeraient. Le B-A BA du féminisme n’est-il pas de ne se considérer comme la propriété de personne ? Ou est-ce encore une vision trop blanche ? Dans laquelle j’aurais de surcroît le tort de me reconnaître ? La philosophe et psychanalyste Sabine Prokhoris a dénoncé l’hypocrisie orientaliste d’une telle posture : « Car si, pour les femmes non occidentales, cette “puissance d’agir” n’a légitimité à exister que sous condition de soumission à la “tradition culturelle” de “modestie” et autres signes parents d’émancipation, alors on use de deux poids deux mesures pour apprécier la pertinence des combats féministes. N’y aurait-il donc qu’en Occident que les femmes soient fondées à s’élever contre la domination masculine en brisant les diktats culturels que cette domination prescrit ?» L’écrivaine Wassyla Tamzali consacre un livre entier à ce féminisme à double vitesse qui nie le fait que, y compris pour les femmes non blanches, « c’est toujours sur le corps des femmes que se font les guerres identitaires » entre les cultures mises en compétition. Voilement, droit de cuissage : c’est la même exigence d’un droit d’usufruit sur le corps de femmes, à la disposition et bien disposées au regard des exigences des hommes. Le poids de la communauté et des religieux : L’enjeu du contrôle du corps des femmes est pourtant toujours le même, que ce corps soit violé, violenté ou voilé. Le philosophe Michael Walzer explique ainsi : « La subordination des femmes – qui se manifeste par l’isolement, la retraite physique, ou les mutilations effectives – n’est pas uniquement destinée à favoriser l’application des droits de propriété patriarcale. Elle doit également être mise en rapport avec la reproduction du modèle culturel ou religieux, dont les femmes sont tenues pour être les agents les plus sûrs. […] Une fois les femmes entrées dans la sphère publique, se pose la question de cette transmission de la tradition. (10) » Les femmes se voient investies de la mission de la perpétuation du modèle culturel et religieux de leur communauté. Elles peuvent être d’excellents agents de leur propre aliénation par l’éducation reçue et l’éducation qu’elles vont à leur tour donner. Les néoféministes s’interdisent donc d’identifier, de nommer et de combattre les facteurs de subordination et d’aliénation de la femme quand celle-ci est orientale. C’est ce qui fait du voilement un enjeu féministe majeur : les femmes orientales évoluant dans la sphère publique, ayant accès à l’éducation presque partout et à une visibilité dans de plus en plus de pays, se posent la question de la préservation du modèle patriarcal qui attribue l’espace public aux hommes et l’espace privé aux femmes, sujettes et dominées. Cette domination est la clé de voûte du statu quo social. Leur passage dans l’espace public doit être le plus furtif, le plus anonyme et le plus utilitaire possible, aux conditions imposées par les hommes, ce que garantit le voilement. D’où le combat mené pour introduire le voile à l’école : « C’est donc parce que l’éducation est la clé d’entrée dans la sphère publique que le problème du port du voile dans les écoles publiques est si âprement débattu ». Nous devons refuser cette stratégie patriarcale de la retraditionnalisation des femmes. »
« Un article des Inrockuptibles tournait en dérision des youtubeuses étatsuniennes vantant la virginité jusqu’au mariage. Le même magazine ne trouve rien à redire à l’obligation de virginité dans la culture arabo-musulmane. La mère de mon ex belle-soeur garde précieusement dans une valise tous les draps des nuits de noces de ses filles, portant la marque sanguine de leur virginité perdue. Elle en est très fière. Et à l’époque du mariage de mon frère, elle avait proposé à ma mère de lui montrer le drap ensanglanté comme garantie de la vertu de sa fille. Ma mère avait refusé. A peine plus jeune qu’elle, elle trouvait pourtant cette pratique archaïque. Les femmes évoluent. Quand on leur donne les moyens d’évoluer, pas quand on les somme de se conformer à une culture figée et fantasmée. J’officie depuis près de deux ans comme Juge assesseure au Tribunal pour Enfants de Toulouse, qui se compose d’un juge professionnel et de deux citoyens, décidant à la majorité des voix de la culpabilité ou de la non culpabilité des jeunes, ainsi que des sanctions et peines. Ce jour-là, devant un tribunal exclusivement féminin, comparaissait un jeune homme accusé d’avoir contraint une fille à une fellation, seule manière de récupérer son smartphone qu’il lui avait dérobé. Le garçon n’a cessé de nier, avec une défense qui désespéra jusqu’à son avocat. Il était innocent puisqu’il « n’aurait jamais rien fait avec une telle fille », dont toute la ville savait qu’elle était « une pute ». La jeune fille, présente avec sa mère a alors brandi, et cela m’a tellement scandalisé, un certificat de virginité délivré par une gynécologue. Le jeune homme rétorqua qu’elle pouvait être « vierge d’en bas » et faire des choses avec sa bouche… Le mis en cause et la jeune fille étaient arabes. Aucun lien entre l’acte et l’origine. Mais une cohérence entre les deux systèmes de défense et ce que la « culture » assigne comme obligation aux filles. Et j’ai compris que ce certificat avait surtout été utile aux parents, pour les rassurer et préserver leur honneur. Une amie m’a depuis expliqué que les médecins établissaient ces certificats, à un prix élevé, à la demande et pour la protection des filles, sans effectuer le moindre geste médical. Cela ne me rassure pas. Voilà pourtant une manifestation directe du patriarcat oriental : cette fétichisation de la virginité, et ce certificat érigé comme preuve devant une Cour de justice, en France, en 2018… Refuser cette norme patriarcale de la pudeur n’est pas défendre l’impudeur. C’est refuser de se soumettre aux exigences masculines de contrôle du corps des femmes, récipiendaires de l’honneur de la famille tout en étant un bien meuble. »
« MeToo est un moment formidable et un outil qui appelle à être dépassé par ce qui relève de la simple cohérence : dénoncer tous les patriarcats. Ce « moi aussi » victime doit être la première étape d’un « moi aussi » combattante, « moi aussi » féministe dans cette époque où « on se lève pour revendiquer la reconnaissance de son identité de victime qui devient une identité de combat ». Dans cette époque de confusion et d’incohérence dans laquelle la liberté est maintenant mise en avant pour justifier des régressions objectives. Mon corps, mes choix ? C’est un peu court. Wassyla Tamzali écrit : « La pensée féministe s’est imposée par sa capacité à renouveler le contenu de l’universalisme, et non parce qu’elle lui aurait tourné le dos. » Le renouveler en le faisant progresser, pour une émancipation individuelle et collective des femmes et des sociétés. »
« Je n’étais pas une télécommande. J’ai refusé de l’être. Je suis partout à ma place. Même si une loi religieuse ou traditionnelle me met à la merci du pouvoir masculin. Je savais que j’aurais à affronter des hommes refusant de renoncer à ce pouvoir. J’ignorais qu’ils seraient aidés par des néo-féministes, si combattives contre les hommes blancs, si complaisantes avec les hommes non-blancs. Il n’y a pas de féminisme religieux. Il y a des femmes religieuses. Croire et pratiquer sont légitimes. L’aveuglement à la dimension patriarcale des religions ne l’est pas. Chères féministes, Me too. Moi aussi. Oui, toute arabe et musulmane que je sois, moi aussi. »
EXTRAIT DE :
- Le voilement est un enjeu féministe https://www.mezetulle.fr/voilement-enjeu-feministe-fatiha-boudjahlat/
- Mères accompagnatrices voilées : pourquoi il faut être ferme https://www.revuedesdeuxmondes.fr/meres-accompagnatrices-voilees-faut-etre-ferme/
- Hijab Day, Burkini : la femme est toujours l’arme du crime https://www.marianne.net/debattons/tribunes/hijab-day-burkini-la-femme-est-toujours-l-arme-du-crime
- Considérer l’excision pour penser le multiculturalisme https://www.mezetulle.fr/considerer-lexcision-penser-multiculturalisme/
- Fatiha Boudjahlat : «Contre le racisme des bons sentiments qui livrent les femmes au patriarcat oriental» https://www.leparisien.fr/societe/fatiha-boudjahlat-contre-le-racisme-des-bons-sentiments-qui-livrent-les-femmes-au-patriarcat-oriental-18-08-2018-7856688.php
- Fatiha Agag-Boudjahlat https://www.revuedesdeuxmondes.fr/auteur/fatiha-agag-boudjahlat/
- Fatiha Boudjahlat https://www.marianne.net/auteur/fatiha-boudjahlat
- Fatiha Boudjahlat https://www.huffingtonpost.fr/author/fatiha-boudjahlat/
- Fatiha Boudjahlat : «Les néo-féministes sont les idiotes utiles des indigénistes» https://www.lefigaro.fr/vox/societe/2017/10/27/31003-20171027ARTFIG00359-fatiha-boudjahlat-les-neo-feministes-sont-les-idiotes-utiles-des-indigenistes.php
- Fatiha Boudjahlat : «Le féminisme est universel ou il n’est pas» https://www.ladepeche.fr/article/2018/02/20/2746078-fatiha-boudjahlat-feminisme-est-universel-est.html
- Fatiha Agag-Boudjahlat, une promesse française http://www.boudulemag.com/2018/04/fatiha-agag-boudjahlat-une-promesse-francaise/
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