Nadia Tazi : « Plus que jamais, la question des femmes est la pierre de touche du politique, indice précis de démocratisation ou de régression.»
Avertissement : Ceci est un document de travail d’une traduction pour anglophones, il devait figurer à l’origine sous le texte traduit en anglais mais pour des raisons de mise en page et de présentation il était plus lisible de séparer les deux versions. Il s’agit d’extraits d’articles et/ou entrevues, afin d’introduire les idées des autrices au grand public, mais en aucun cas d’un compte rendu exhaustif de leurs pensées… Afin de mieux les connaître n’hésitez pas à acheter leurs livres ! Merci pour votre compréhension.
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Née en Espagne en 1954, de nationalité marocaine, elle arrive en France en 1970 où elle étudie la philosophie à la Sorbonne, puis enseigne le français dans une faculté du Maryland. Le parcours professionnel de Nadia Tazi est d’une richesse et d’une diversité extraordinaire : elle participe à la création de journaux puis elle travaille dans l’édition ainsi que pour pour des expositions d’art contemporain et d’architecture. Elle est également directrice de programme au Collège international de philosophie où elle anime des séminaires, notamment sur la virilité en Islam. En 2018 elle publie un ouvrage d’une grande érudition : « Le Genre intraitable. Politiques de la virilité dans le monde musulman » (Actes Sud), sujet qu’elle étudie depuis 25 ans. Elle y montre (entre autres) que la mouvance islamiste actuelle exprime plus un regain de virilisme qu’un réveil de la foi, qui correspond à une offre adressée à de shommes écrasés et humiliés par un modernisme forcé par des pouvoirs despotiques.
Virilité et islamisme :
« J’ai essayé de construire une généalogie de la virilité comme archè [concept en philosophie grecque qui signifie le fondement ou le commencement d’un principe] dans le monde musulman, pas seulement arabe – je traite aussi des Ottomans, des Iraniens et des Afghans. Et à travers des séquences archétypiques, je marque des différences historiques et géographiques majeures : elles déterminent des types de virilité et des spécificités politiques. Il existe évidemment des similitudes entre les deux rives de la Méditerranée, comme l’avait montré Germaine Tillion dans « Le Harem et les cousins ». Il m’a semblé plus judicieux de travailler sur l’islam au regard de la crise politique que connaît cette religion-culture, en tenant compte de l’autoritarisme en vigueur partout et de la montée en puissance des islamistes, qui sont d’abord et avant tout des virilistes »
« Les islamistes n’ont pas d’autre projet que celui d’une virilité à la fois redressée, disciplinée, et placée sous le contrôle le plus strict. Leurs maîtres-mots renvoient à la moralité, au djihad intérieur (la lutte contre les passions) et extérieur. Économiquement, ils sont néolibéraux, comme le prouve le régime saoudien. Il faut rendre leur fierté à des populations maltraitées et humiliées. Pour comprendre, il suffit de se rapporter à ce qu’a été le traité de Versailles pour l’Allemagne. L’humiliation des peuples produit du désastre. Les peuples musulmans ont été humiliés par la colonisation, par l’échec politique au lendemain des indépendances, par des guerres perdues, par les difficultés à suivre les accélérations en cours. S’est alors développé le sentiment de ne pas être à la hauteur de l’Histoire et du destin promis à l’islam. La religion a été la seule chose que les dictateurs ne pouvaient pas confisquer ; même les nationalistes arabes, qui étaient laïcs, n’y sont pas parvenus. »
« Il faut noter que tous les chefs historiques des islamistes ont fait de la prison. Ce ne sont pas des lettrés, formés dans les instituts de théologie ou les universités, mais des gens simples pour la plupart, élevés contre la colonie et ensuite contre l’État, qui ont passé des années derrière les barreaux et y ont produit un corpus théorique très pauvre. Si l’islam devient « politique », c’est pour une large part qu’il est depuis toujours le premier et le dernier recours contre l’oppression. Ce sont des hommes frustrés, enfermés dans les « passions tristes » : la haine, le ressentiment, l’humiliation, le sentiment d’échec. Pour fabriquer un ordre viriliste, quel qu’il soit, il faut au départ un état d’exception : des conditions extrêmes telles que le désert, la guerre, un régime tyrannique, la colonie, des mutations anthropologiques et culturelles brutales »
« La virilité est par définition extravertie. Mieux, elle est ostentatoire, elle doit être reconnue comme telle par autrui, par opposition au masculin qui renvoie au for intérieur, à l’intime. À l’extérieur, l’homme doit montrer qu’il est le maître et veiller à la réputation de sa femme, sa fille ou sa sœur. Traditionnellement, la femme n’a accès au monde que voilée, protégée, c’est-à-dire contrôlée. Elle doit donner l’image d’une femme raisonnable qui, comme le disent les mollahs, «reste à sa place». À l’intérieur, elle a peu de droits, mais elle s’appuie sur l’attachement sexuel et affectif, sur l’éducation des enfants, et elle est supposée gardienne des traditions (morales, culturelles, esthétiques…) (…) D’un côté, l’homme est élevé dans le culte de la virilité ; de l’autre, il est castré par les pouvoirs despotiques en place. Dans le cadre familial, le père commande le fils, lequel fils, pour assurer son pouvoir, va à son tour commander les plus jeunes, les cadets, la sœur, la femme. Comment voulez-vous que cet autre clivage ne produise pas de problèmes ? Et hors de la maison, l’homme du commun n’a pour ainsi dire pas de vie politique. (…) Si vous considérez les pouvoirs en place, ils ont tous sans exception matraqué leur population. Bien sûr, auparavant, la colonisation a humilié les hommes et fait des ravages à tous points de vue. Au moment des indépendances, on attendait des nouveaux régimes qu’ils améliorent le sort de la population. Ce n’est pas ce qui s’est passé. La désillusion et l’amertume ont été énormes, dévastatrices. »
« L’islam, et les islamistes plus encore, confrontent l’homme à une double contrainte : si Éros est une grâce de Dieu, la femme, quant à elle, doit être voilée – non pas qu’elle soit l’objet exclusif d’un homme, selon la dogmatique, mais parce qu’il faut la protéger du désir, irrépressible par essence, des hommes, comme du sien, de la faiblesse de son corps et de son esprit. Il n’est pas un manuel de clerc sunnite ou chiite qui ne serine le thème de la protection pour justifier la domination (un argument qui, il faut le souligner, vaut traditionnellement dans les rapports entre gouvernants et gouvernés). (…) Comment expliquer ce blocage et la régression islamiste ? Le machisme ordinaire procède essentiellement du despotisme, qui accuse l’asymétrie entre les sexes. Opprimé par ses dirigeants et sérieusement ébranlé par la modernisation, le macho s’efforce de regagner son autorité et son pouvoir chez lui, intra muros. Plus il est rabaissé, plus il sera tenté de s’imposer comme maître de maison (despotes). De même, plus le fils subit la domination du père, plus il aura tendance à tyranniser sa sœur. S’instaure un jeu de miroir entre le haut (le dirigeant de son pays comme de sa maison) et le bas (cet homme déchu qui, faute de pouvoir libérer sa volonté de puissance, se rabat sur son foyer). Le macho est persécuté par les pouvoirs au dehors, et perturbé au dedans. C’est une culture de l’autorité – à l’école, à l’usine, dans l’administration, etc. – qui provoque l’immobilisme, tout comme les fuites et les feintes « sous le voile ». Le macho est également confronté à l’émancipation (relative) des femmes et à l’évolution des mœurs. (…) Le macho est ce petit seigneur qui a élevé le statut de sa mère (une femme ne s’accomplit vraiment qu’en tant que mère d’un fils), servi le rêve d’illimitation de son père et qui, une fois adulte, entend régner en maître chez lui, mais qui est confronté à une cascade d’autorités et de jeux de pouvoir qu’il doit continuellement négocier. La modernisation a renforcé les techniques de coercition et de contrôle des États, et quelque peu libéré les femmes : le grand floué de cette évolution, c’est lui, ce macho ordinaire, que ses frères islamistes vont enrôler. »
« Avec la régression islamiste, les frères veulent succéder aux pères qui ont échoué. (…) Ces surmâles sont exaltés, mais ils sont plus assujettis que jamais par leurs maîtres. Il en va de la pureté du corps et de l’âme, de ce monde et de l’autre. Et dans cette perspective absolutiste, on n’est jamais assez viril, jamais assez pur. Les plus radicaux d’entre eux poussent à l’extrême ces logiques hyperboliques : le Dieu que ces extrémistes se représentent est un absolu virilisé et vengeur, leur prophète un maître justicier qui les légitime. »
« Le problème naît de la confusion entre le masculin et le viril. Dans les institutions et les usages comme dans la vie psychique, ces deux notions ne cessent de fluctuer et de s’entremêler. Mais ce qu’il faut séparer pour développer une culture de la démocratie dans le monde musulman, ce ne sont pas les sexes, mais bien le masculin et le viril. Or, cette séparation est largement compromise par l’autoritarisme politique qui y sévit. Si le viril et son machisme ont finalement prévalu sur le masculin et sa pondération, c’est essentiellement pour des motifs politiques : ils sont le fruit des effets conjugués de l’humiliation de la colonisation, de l’échec des nationalistes laïcisant, du despotisme, des difficultés à s’adapter à la modernité et à la mondialisation, de l’islamisme, sans parler de la misère qui les accompagne. Aujourd’hui, les despotes se posent en pères des peuples, et ne concèdent aux pères de famille que l’espace privé. Il y a un jeu de miroir entre le haut et le bas : les uns soutiennent les autres. Opprimés et humiliés par leurs dirigeants, les hommes s’efforcent de regagner leur virilité en perpétuant leur domination sur les femmes en particulier, mais pas seulement. Les machos s’imposent aussi auprès de ceux qui ne se prêtent pas à la norme viriliste, qu’il s’agisse des cadets, des petites gens, des membres des minorités religieuses et sexuelles, des intellectuels, des quiétistes et des saints, des étrangers et des malades mentaux – ce qui constitue une majorité ! »
Violences envers les femmes
« On sait (sans doute pas assez) les liens – déjà pressentis par les penseurs arabes du passé – entre misère sexuelle et violence. Les terroristes du 11 septembre ont passé les dernières heures de leur existence à visionner des films pornographiques. Les agressions commises à Cologne le soir de la Saint Sylvestre (pour partie commises par des Marocains se faisant passer pour des réfugiés politiques syriens) ainsi que les viols collectifs sur la place Tahrir en Egypte, pour ne citer que des cas médiatisés, auraient dû alerter sur la gravité et la récurrence de ces attentats. (…) Plus que jamais, la question des femmes est la pierre de touche du politique, indice précis de démocratisation ou de régression. Du XXe siècle, on ne retiendra pour seule révolution irréversible que celle des femmes. Et ce qui est en cause à travers elles en terres d’islam, ce n’est pas seulement la moitié de la population, ce sont tous ceux qui se taisent mais ne se reconnaissent pas dans l’hégémonie et les valeurs machistes, dans le culte narcissique de la domination, dans les petites guerres et les probations permanentes des « surmâles », dans leur mépris du féminin, et les rapports de pouvoir qu’ils instillent continument. Comme tous les populistes aujourd’hui (extrêmes droites française, grecque ou hongroise, partisans de Trump et de Poutine, fascistes serbes ou tchétchènes etc.) les islamistes, toutes tendances confondues, associent identité et moralité plutôt qu’identité et culture. En faisant de la condition des femmes leur cheval de bataille, ils spéculent sur la piété des masses, l’ignorance, la faiblesse d’hommes qui matraqués par leurs dirigeants ici, déboussolés plus loin, n’affirment plus leur virilité qu’à travers des schèmes patriarcaux, des imageries emphatiques et absurdes, une représentation négative de soi par laquelle ils se définissent non pas de manière affirmative et sereine mais essentiellement contre l’autre: l’Occident en bloc, le minoritaire qu’il soit homosexuel juif ou handicapé, la femme surtout, rabaissée et minorée par principe, stigmatisée dès lors que dévoilée, fragilisée à l’extrême à peine passé le seuil de sa maison. Vous n’entendrez pas ces redresseurs de tort dénoncer la violence du néolibéralisme (auquel ils adhèrent) ou l’écart entre les classes sociales. Vous ne les entendrez pas davantage citer les grands maîtres de la spiritualité islamique: ceux qui comme Ghazali ou Ibn ‘Arabi rangent au plus bas niveau de la croyance « l’islam du corps »: un islam qui se montre et en remontre avec ses signes extérieurs de piété, et qui ignore l’expérience intérieure ou le travail sur soi. En revanche, comme le dit bien Ismael Zniber, ils sont passés maîtres dans le jugement d’autrui et la comptabilité obsessionnelle des péchés. Etant essentiellement attachée à la question de la jouissance, la cause des femmes soulève pour les hommes aussi des contradictions massives dont ils doivent s’émanciper. Pour ne citer que l’une d’elle, comment peut-on d’un côté présenter de manière toute littérale la jouissance sexuelle comme l’avant-goût du paradis, l’acmé de la félicité terrestre et céleste et de l’autre, voiler la femme, l’interdire, la déprécier? Exalter d’une main et barrer de l’autre? »
« le machisme existe partout, mais il n’a pas du tout la même portée, pas les mêmes sources ni les mêmes lois. Il faut déjà commencer par poser la question dans les différents pays musulmans et réfléchir sur leur point commun : le despotisme politique. Lors de la table ronde «Des relations entre les sexes fondées sur des imaginaires et des valeurs » aux Rencontres d’Averroès, on a bien perçu les différences entre les musulmans eux-mêmes. Sur le voile, les points de vue des intervenantes turque, marocaine, algérienne n’étaient pas du tout identiques. Le voile est un joker, on lui donne le sens qu’on veut ; c’est aussi ce qui explique sa perpétuation. En France, le voile a une connotation identitaire : si vous l’expliquez à une Afghane qui se bat contre la burqa et qui a des problèmes pour éduquer sa fille, ou à une Pakistanaise qui constate l’accroissement du féminicide ou des crimes d’honneur, elles vous regardent comme si vous arriviez de la planète Mars… »
« les femmes sont la clé : il est plus facile d’agir positivement, de s’appuyer sur un désir de liberté que de contraindre un genre aussi enraciné. Si on émancipe les femmes, elles ouvrent la maison au monde, et n’ont plus besoin de pousser et de reviriliser leurs fils. Et les hommes ne doivent plus se montrer à tout prix comme des maîtres. Si on va dans le sens de la liberté des femmes, on avance dans l’émancipation générale. Car le viril ordinaire ne rabaisse pas seulement les femmes ; pour s’affirmer, il rabat tout ce qui n’est pas lui et qu’il considère comme « efféminé » : l’esclave autrefois, l’intellectuel, l’artiste, les minorités sexuelle, ethnique et religieuse, le juif en particulier, l’étranger… À partir du moment où on éduque les peuples dans un sens non despotique, on en finit avec la logique selon laquelle l’homme doit retrouver sa virilité chez lui parce qu’il est opprimé au dehors. Si on donne de l’espace au masculin, on l’amène à la citoyenneté, à une responsabilité citoyenne. Et tout le monde respire. (…) mais les islamistes sont d’une grande habileté politique : ils ne font pas seulement de la pédagogie on line et dans leurs mosquées, ils prennent les gens en charge, ils leur donnent une sécurité psychique et matérielle, et ils vont partout. (…) les seuls projets politiques de ces populistes sont l’assujettissement des femmes et le djihad. »
Cologne :
« Il y aura un avant et un après Cologne, quoi qu’on en dise ou quoi qu’on taise. L’événement divise une société et porte au grand jour de manière critique des problèmes latents ou des tensions sporadiques, du malaise, des thèmes difficiles et rendus incontournables : attouchements collectifs, agressions sexuelles et viols sur la place publique lors de la Saint-Sylvestre. Silence des autorités, découverte que des événements similaires s’étaient déjà produits ailleurs en Allemagne, dans d’autres pays d’Europe, et sur la place Tahrir en Égypte lors de l’insurrection contre le régime de Moubarak. Sidéré, le monde apprenait, d’une part, que la révolution peut aussi libérer des pulsions libidineuses mortifères et, d’autre part, que les fantasmes racistes ou islamophobes les plus insistants peuvent être vérifiés. Les pires abjections et les pathologies reprochées depuis toujoursaux musulmans ont bien eu lieu un soir de fête : en l’obscur, les mains avides, la bestialité et l’injure sur les corps des jeunes Blanches.(…)
Que se passe-t-il lorsqu’on a vingt ans et qu’on pourrit dans le désœuvrement et la frustration – sexuelle certes, mais pas seulement, puisqu’on n’est plus que l’« homme jetable » du surcroît démographique, du développement manqué et du cynisme des politiques ? Que se passe-t-il lorsque ces hommes atteignent l’Europe après avoir bravé les difficultés que l’on sait – mais les sait-on jamais assez ? – et qu’au bout du compte, la désillusion est à la mesure des attentes ? Ce sont des hommes jeunes, souvent issus de l’exode rural et mal urbanisés, mal scolarisés aussi ou diplômés chômeurs, mal aimés enfin. Des hommes seuls et isolés, tristes clandestins dans les jardins des riches à ruminer le désenchantement et l’angoisse ; exploités (par les passeurs déjà), humiliés, minorés (sans droits), ils se retrouvent « comme des femmes ». Que se passe-t-il alors lorsqu’ils se retrouvent en groupe ? La « tribu » fait corps et protège, la bande fraternise, le nombre revirilise enfin. Plus encore lorsqu’il s’abandonne aux licences de la fête, qu’elle soit révolutionnaire ou non. Dans des sociétés désarticulées par le capitalisme mondialisé, et dans une condition aussi sinistre que l’exil, la fameuse ‘asabiyya (l’esprit de corps dont parle Ibn Khaldûn) n’est plus qu’instinct de meute dans la nuit. D’autant que « dénudée » ou court vêtue, la femme passe pour légère, forcément légère. Les islamistes ne le répètent-ils pas toute la sainte journée pour imposer et épaissir chaque fois plus leurs voiles, et justifier le retour à l’ordre ? Pour difficile qu’il soit, le problème, par sa répétition même, doit être pris au sérieux. La censure des autorités allemandes ne peut que s’avérer contre-productive et conforter les voix qui ne cessent de dénoncer la double faute. Par ailleurs, qu’il s’agisse de bandes organisées de délinquants (accompagnant leurs agressions sexuelles de vols) ne change pas grand-chose à l’affaire. La cochonnerie de Cologne ne fait jamais que prolonger le harcèlement quotidien que connaissent trop souvent les femmes dans les rues des pays arabes : exaspération et passage à l’acte, et non plus lazzis et pressions, signifiant qu’elles ne « sont pas à leur place » à l’extérieur, dans les territoires des hommes. Ce que la fête libère, le quotidien le laisse entendre. Les sexes doivent rester séparés si l’on veut éviter la fitna, le chaos, et le scandale. Le voile est là pour le rappeler, pour éviter toute espèce d’instabilité, de fluctuation et de devenir, diraient les islamistes. (…)
Mais les islamistes ne sont pas seuls. Le Fn et les Fm (Frères musulmans) tiennent aujourd’hui le politique en otage. Les extrêmes droites des deux rives de la Méditerranée s’alimentent l’une l’autre, tout en se rejoignant comme forces conservatrices et menaces des principes démocratiques. Dans ce contexte à fronts renversés, les ennemis de mes ennemis ne sont pas mes amis. Et mes amis de gauche ne me soutiennent pas, ou seulement du bout des lèvres, quand cela peut favoriser leurs ennemis et desservir leur cause prioritaire. Il est grand temps que les gauches d’Europe confrontent cette double contrainte qui noue la politique des démocrates arabes depuis quelques décennies, si elles ne veulent pas céder la place aux populistes ou aux paraplégiques, ceux qui condamnent un côté en ignorant l’autre. L’exercice est aussi douloureux et paralysant que nécessaire. Cela implique, outre le refus impératif de l’idéologie, des révisions déchirantes. Ce n’est pas conforter les démocrates arabes que de fermer les yeux sur les exactions des islamistes, des dictateurs ou des petites frappes qui ont sévi à Cologne, au prétexte que cela servirait l’autre camp. Ou pire de se poser en donneur de leçons face à un Kamel Daoud, qui a su joindre le courage à la lucidité, au nom d’un politiquement correct aussi aveugle que dangereux. D’un autre côté, il ne suffit pas de dénoncer la politique impériale d’un George W. Bush, le soutien des Occidentaux aux dirigeants wahhabites, le colonialisme d’un Netanyahou, le racisme et l’islamophobie… Encore faut-il se remettre en question. »
EXTRAITS DE :
- Agression transphobe de Julia : « Dès qu’il s’agit d’islam, l’embarras est palpable à gauche » https://www.marianne.net/societe/agression-transphobe-julia-paris
- Le silence des intellectuels arabes https://reseau-terra.eu/article1076.html
- « Ces surmâles sont exaltés, mais les islamistes sont plus assujettis que jamais par leurs maîtres » https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/05/10/nadia-tazi-dans-le-monde-musulman-le-premier-nom-de-la-virilite-est-le-patriarcat_5460337_3232.html
- De la virilité dans le monde musulman https://www.leaders.com.tn/article/26037-de-la-virilite-dans-le-monde-musulman
- Fethi Benslama et Nadia Tazi, La virilité en Islam, http://lyceesrp.canalblog.com/archives/2008/07/20/9988158.html
- Nadia Tazi : « Travailler sur la virilité, c’est toucher à ce qui fait mal » https://www.middleeasteye.net/fr/entretiens/nadia-tazi-travailler-sur-la-virilite-cest-toucher-ce-qui-fait-mal
- L’islam malade de ses surmâles https://bibliobs.nouvelobs.com/idees/20181130.OBS6341/l-islam-malade-de-ses-surmales.html?
- Nadia Tazi : «Le succès des islamistes repose moins sur la religion que sur un regain de virilité» https://www.liberation.fr/debats/2019/02/05/nadia-tazi-le-succes-des-islamistes-repose-moins-sur-la-religion-que-sur-un-regain-de-virilite_1707595
- La virilité, premier pouvoir et dernier tabou du monde musulman http://www.lemondedesreligions.fr/une/la-virilite-premier-pouvoir-et-dernier-tabou-du-monde-musulman-21-01-2019-7799_115.php
- Publications de Nadia Tazi sur CAIRN https://www.cairn.info/publications-de-Nadia-Tazi–7961.htm
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