– Fatima Houda-Pepin : «aux origines du voile dit islamique, il y a le viol et la prostitution »

Fatima Houda-Pepin : «aux origines du voile dit islamique, il y a le viol et la prostitution »

Avertissement : Ceci est un document de travail d’une traduction pour anglophones, il devait figurer à l’origine sous le texte traduit en anglais mais pour des raisons de mise en page et de présentation il était plus lisible de séparer les deux versions. Il s’agit d’extraits d’articles et/ou entrevues, afin d’introduire les idées des autrices au grand public, mais en aucun cas d’un compte rendu exhaustif de leurs pensées… Afin de mieux les connaître n’hésitez pas à acheter leurs livres ! Merci pour votre compréhension.
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PHOTO : RADIO-CANADA

Née au Maroc en 1951, Fatima Houda-Pepin est une femme politique et une politologue québécoise. Elle était la députée de l’Assemblée nationale du Québec de 1994 à 2014. Étudiante à l’Université Mohamed V, elle immigre en 1976 au Canada fin de terminer ses études de sciences politiques. Elle devient docteure de l’Université de Montréal en 1982. Pendant les années 1980 et les années 1990, elle est consultante pour le gouvernement canadien, le gouvernement du Québec et la ville de Montréal en matière d’immigration. Elle reçoit plusieurs honneurs pour son implication communautaire. Fatima Houda-Pepin s’est démarquée lors de l’affaire de la légalisation possible de la charia en Ontario. En tant que femme musulmane, elle s’oppose fermement à l’introduction du droit islamique dans les ménages musulmans du Canada. « La charia est un système de droit complet, un système juridique superposé. Je ne peux pas accepter comme femme qu’un segment de la population québécoise et canadienne ne puisse pas bénéficier des mêmes droits que les autres citoyens »

Voile :

« Le voile « dit islamique » a fait son apparition dans les médias occidentaux lors de la crise du foulard, en France, en 1989. Un père, d’origine marocaine, y fréquentait une mosquée salafiste. Du jour au lendemain, il décida de défier la loi sur la laïcité et ordonna à ses deux petites filles (de 10 et 13 ans) de se présenter à l’école avec un foulard. Une crise sans précédent va secouer la France. Les islamistes ne tardèrent pas à monter au front, lors d’une manifestation monstre. Leur banderole qui ouvrait la marche disait : « Le voile est notre identité ». De l’autre côté de la Méditerranée, le roi du Maroc, Hassan II, également commandeur des croyants, avait envoyé un message clair au père des petites filles, via son ambassade à Paris. Il y disait en substance trois choses : 1. Il n’existe pas de foulard « islamique » ; 2. Entre le foulard et l’éducation, choisissez l’éducation ; 3. La loi du pays est la loi. Respectez la loi française. Pour les islamistes, cet événement de 1989 est un moment fondateur de la lutte qu’ils mèneront en Occident pour ériger le voile « dit islamique » en carte d’identité politique, puis en « signe religieux ». Et pour légitimer leur revendication, quoi de mieux que le Coran. En effet, plusieurs versets du Coran font mention du voile, dans des contextes très différents. (À lire, mon texte « Voile : les femmes musulmanes ne sont pas un groupe monolithique », La Presse, 14 janvier 1994.) La source principale sur laquelle ils se basent encore aujourd’hui, pour faire du voile « dit islamique » un droit fondamental au même titre que la liberté de religion, est le verset 59 de la sourate 33 « Les coalisés ». Révélé en 627, année où le prophète Mohamed devait livrer bataille aux coalisés venus l’assiéger à Médine. Ils s’attaquaient aux femmes qu’ils violaient et forçaient à la prostitution (Ta’arrud). Le verset 59 tranchera ce dilemme. « Ô Prophète ! Dis à tes épouses, à tes filles et aux femmes des Croyants de rapprocher un pan de leur voile de leur visage, cela est plus à même de les faire reconnaître (des autres femmes) et à leur éviter ainsi d’être importunées. Dieu est infiniment absoluteur et miséricordieux. » Les islamistes se garderont bien d’en expliquer le contexte. Or, ce verset n’a qu’une portée morale. Il s’adresse spécifiquement aux femmes de la haute société de Médine pour leur éviter d’être offensées par Ta’arrud. Il leur est suggéré de « rapprocher un pan de leur voile » et de le rabattre sur leur visage. Pourquoi ? Pour les distinguer des autres femmes. Et quelles étaient les autres femmes dont il fallait se distinguer ? Les esclaves. Ainsi le voile « dit islamique » faisait une distinction entre les femmes libres qui ne doivent pas être importunées (parce que voilées) et les esclaves qui peuvent être livrées au viol et à la prostitution parce qu’elles ne le sont pas. Ceux et celles qui allèguent, aujourd’hui, la liberté de religion pour défendre le port du voile « dit islamique » doivent garder à l’esprit la date de 627, le jour où le voile est devenu symbole de discrimination à l’égard des esclaves noires et leur asservissement par le viol et la prostitution. »

« Aucune source autorisée, à savoir le Coran et les Hadiths du prophète, ne parle de « signe religieux » et encore moins du voile comme l’expression symbolique de cette religion. Même chez les théologiens fondamentalistes qui tordent le cou aux versets coraniques pour leur faire dire ce qu’ils ne disent pas, afin d’imposer le voile aux musulmanes comme « obligation religieuse », ils sont les premiers à se hérisser quand ils voient un fichu élevé en symbole de leur religion. Dans le tumulte entourant le projet de loi sur l’interdiction des signes religieux dans les écoles publiques, en France, Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’Intérieur, avait effectué un voyage en Égypte, le 30 décembre 2003, pour chercher appui auprès des autorités religieuses de la prestigieuse Université Al Azhar. Il espérait leur arracher une déclaration qui apaiserait les tensions au sein des musulmans de France, à la veille de son adoption, le 10 février 2004. Quelle ne fut pas sa surprise quand il s’est fait rappeler à l’ordre sur les fausses représentations que l’on se faisait de l’islam en Occident ! En effet, le Dr Ali Jumâa, mufti d’Égypte et membre de l’Académie de recherches islamiques n’a pas manqué de lui exprimer sa désapprobation. Le voile, dit-il, « n’est en aucun cas un signe religieux ». Un avis confirmé par son prédécesseur, l’ancien mufti d’Égypte, Dr Farid Ouassil, qui a tenu à remettre les pendules à l’heure : « Nous ne pouvons accepter que l’on présente le voile comme un signe religieux. » Quand on sait que dans l’islam sunnite majoritaire la simple représentation visuelle du prophète Mohamed est interdite et qu’elle peut parfois provoquer une tragédie, comme celle de Charlie Hebdo, on peut comprendre que pour des théologiens gardiens de l’orthodoxie islamique, élever un fichu au rang de symbole de leur religion, c’est quasiment un sacrilège. Alors si « le voile dit islamique » n’est pas un « signe religieux », peut-on en interdire le port par voie de législation en Occident ? Le Grand Mufti d’Al Azhar et interprète officiel du droit musulman, Mohamed Tantaoui, avait répondu par l’affirmative à Nicolas Sarkozy, non pas que le voile soit un « signe religieux », mais parce que le musulman vivant en Occident doit se conformer à la loi de son pays d’adoption, incluant la laïcité. « Le musulman est tenu de se plier aux lois du territoire où il vit », lui avait-il déclaré. (La Croix, le 10 mars 2010). Donc, pour cette haute autorité religieuse qui émet des avis juridiques (fatwas), « La femme musulmane [qui] vit dans un pays non musulman, comme la France, dont les responsables veulent adopter des lois opposées au voile, c’est leur droit et ne je peux pas m’y opposer ». (Libération, le 31 décembre 2003). Ainsi, vue d’une perspective musulmane, « la loi du pays est la loi ». Ce message, quoique de portée générale, s’adressait aussi aux jeunes musulmanes des écoles publiques, qui se voyaient contraintes, à la veille de l’adoption de la loi française, d’ôter leurs foulards. »

« À l’origine, il y a eu le voile que les femmes de différentes traditions, cultures et religions ont porté et continuent de porter, un peu partout dans le monde.  Dans l’islam, il est mentionné dans au moins six versets du Coran, avec des significations et des contextes très différents. Aucun n’en fait une obligation religieuse D’aucuns veulent bien l’ériger en pilier de l’islam. Or, il y a cinq obligations religieuses dans l’islam, et le voile n’en fait pas partie. Pourquoi alors l’ériger en droit fondamental, assimilé à une liberté de religion? Et qui a intérêt à en faire un droit fondamental? Force est de constater que cette revendication de voile comme obligation religieuse est portée par des groupes salafistes, wahhabites et djihadistes qui sont dans une lutte sans merci avec l’Occident, ses symboles et ses valeurs. C’est une obsession maladive qui remonte aux idéologues du wahhabisme et du salafisme, comme Ibn Taymiyya, Sayyid Qutb, Hassan el-Banna, Youssef al-Qardaoui et bien d’autres. Ceux et celles qui défendent le voile comme droit individuel assimilé à la liberté de religion gagneraient à lire ces «grands savants de l’apocalypse» pour savoir qui sont leurs alliés stratégiques dans ce combat d’arrière-garde. Défendre les droits de la personne, j’en suis. Mais peut-on rester scotché au « libre choix » sans remettre en question le bien-fondé de ce que l’on défend ? Peut-on fermer les yeux sur les impacts de ce djihad juridique sur les droits des femmes ? Pourtant, il est à l’œuvre depuis plusieurs décennies :  1.En 1928, Hassan el-Banna, un instituteur égyptien, fonda la société secrète des Frères musulmans avec un programme digne du totalitarisme et, déjà, le voilement des femmes était au centre de leurs préoccupations. 2.En 1953, le président égyptien Gamal Abdel Nasser, voulant les intégrer dans le jeu politique, consulta leur guide suprême sur les propositions qu’il entendait faire au gouvernement. Sa principale demande était d’imposer le voile à toutes les Égyptiennes. Nasser refusa. 3.Début des années 1970, l’Arabie saoudite va accentuer son offensive d’islamisation en déployant ses tentacules wahhabites dans le monde arabo-musulman, en Europe et au Canada (financement de mosquées, d’écoles, de centres culturels, de programmes d’études islamiques, envoi d’imams avec solde et de prédicateurs salafistes, déploiement de chaînes de télévision satellitaires dédiées à la propagation du wahhabisme, etc.), le tout s’accompagnant de campagnes de voilement des femmes et des petites filles et d’implantation de la charia.  4.En 1979, l’ayatollah Khomeiny rentra à Téhéran après quinze ans d’exil. L’une de ses premières décisions avait été d’imposer le tchador à toutes femmes, y compris les petites filles, un fardeau dont elles s’étaient libérées depuis 1936.  5.En 1989, la France est secouée par une crise du foulard. Les islamistes montèrent aux barricades. Ils ont revendiqué le voile comme porte-étendard de leur «identité politique».  6.En 2015, dans le pays des calinours, nos tribunaux avaient invalidé une directive du gouvernement Harper qui interdisait aux femmes de prêter le serment de citoyenneté avec leur niqab.  Faut-il aussi accepter la burqa, cette tenue dégradante pour la dignité des femmes? Est-ce pour cela que le Canada est allé faire la guerre aux talibans? « 

Laïcité :

« Deux courants de pensée s’affrontent dans le monde arabo-musulman et dans la diaspora au sujet de la séparation du politique et du religieux : l’islamisme et la laïcité (Almâniyya). S’il est vrai que les mouvances islamistes sont plus visibles et font souvent les manchettes, on connaît moins les réformateurs musulmans qui défendent la séparation de la religion et de l’État. Le philosophe égyptien Fouad Zakariya le résume bien dans son ouvrage « Laïcité ou islamisme : les Arabes à l’heure du choix » (1991). Cette lutte n’est pas le propre de l’Occident. S’il est vrai que la sécularisation est une avancée manifeste dans les démocraties occidentales, le monde arabo-musulman est loin d’être épargné par ces débats. Qu’on pense à la Turquie laïque sous le régime d’Atatürk et à la sécularisation progressive du droit et des mœurs dans plusieurs pays musulmans, notamment la Tunisie et le Maroc. Plusieurs intellectuels de renom avaient pensé la laïcité de l’intérieur de l’islam : Abdellah Laoui, « Islam et modernité », Abdelwahab Meddeb, « La maladie de l’islam », Mohammed Harbi, « L’islamisme dans tous ses états », et bien d’autres. Mais il faut remonter au début du 20e siècle pour voir les tenants de la laïcité faire irruption dans ce débat dans le monde musulman. Un réformateur égyptien, Ali Abderrazik, avait provoqué un véritable choc dans la pensée dominante, pour qui l’islam était « Din wa Dawla » (Religion et État). Juge et docteur à la prestigieuse université Al-Azhar au Caire, il avait lancé un pavé dans la marre, en 1925, en publiant un essai fondateur de la pensée séculière, « L’islam et les fondements du pouvoir » (La Découverte, 1994), où il soutenait que l’islam n’était pas incompatible avec la laïcité. Il y démolissait, brique par brique, la thèse des islamistes, selon laquelle les musulmans ne sauraient être gouvernés par des États laïcs. Une œuvre pionnière et audacieuse pour un théologien. Elle lui a valu des vagues de dénigrements et de réfutations. Le Conseil des grands oulémas (théologiens) d’Al Azhar avait engagé une procédure judiciaire contre lui. L’acte d’accusation était accablant. Il y avait répondu publiquement, point par point. Selon une enquête menée par le quotidien A-Sharq al-Awsat, en 1993, « la quasi-totalité des écrivains arabes le place en tête des ouvrages les plus déterminants de notre temps. » « Aucun principe religieux n’interdit aux musulmans […] de détruire ce système désuet qui les a avilis et les a endormis sous sa poigne. Rien ne les empêche d’édifier leur État et leur système de gouvernement sur la base […] des systèmes dont la solidarité a été prouvée […] ceux que l’expérience des nations a désignés comme étant parmi les meilleurs », affirme le théologien Ali Abderrazik. Ce que cette histoire nous enseigne, c’est que les luttes pour la démocratie ne sont jamais gagnées d’avance, ni au Québec ni ailleurs dans le monde. D’où l’importance de ne pas réduire la laïcité à une simple affaire d’interdiction de port des signes religieux. Ça serait renier les contextes politique et historique dans lesquels ces deux combats ont été menés. Les arguments de l’apocalypse, avancés par certains opposants à la laïcité, ne sont guère différents de ceux tenus contre le droit de vote des femmes, par des parlementaires, des élites intellectuelles et des milliers de femmes anti-suffragettes. Ce rappel est important pour ceux qui trouvent que le débat sur la laïcité perdure depuis 10 ans. La France, pour sa part, a mis plus d’un siècle, depuis la Révolution française, avant d’accoucher de sa loi concernant la séparation des Églises et de l’État, en 1905. »

La religion :

« Comment expliquer que de tous les critères de discrimination, c’est la religion qui soulève le plus de tensions sociales au Québec et dans le monde ? Quatre raisons pourraient éclairer la réflexion : 1.Les religions sont jalonnées de guerres et de conflits qui ont marqué notre conscient collectif, et ce n’est pas que de l’histoire ancienne. Bien que ces conflits se passent ailleurs, l’ailleurs est ici et les Québécois issus de l’immigration sont concernés par les secousses politiques qui affectent leurs pays d’origine. De plus, le Canada n’hésite pas à s’y impliquer, en vendant des armes, en participant directement à la guerre, comme en Afghanistan, ou en accueillant les réfugiés de la guerre. 2.Les religions charrient des valeurs morales qui vont parfois à l’encontre de la conception que se fait la société d’accueil du mieux vivre ensemble. 3.Les religions sont instrumentalisées à des fins politiques. Loin de s’atténuer, l’extrémisme religieux est en voie de devenir l’un des enjeux majeurs du 21e siècle.  On le voit avec la droite religieuse américaine qui se sert des tribunaux pour faire reculer les droits des femmes de disposer de leurs corps.  On le voit avec les groupes islamistes qui propagent l’idéologie wahhabite et salafiste dans le monde. On les a vus à l’œuvre lorsqu’ils avaient tenté d’implanter la charia au Québec et au Canada. 4.Les Québécois ont été marqués par des siècles d’oppression par l’Église catholique. Bien qu’ils tiennent toujours à certaines valeurs chrétiennes, ils sont passés à autre chose. Dans un contexte où les idéologies sous couvert de religions sont en pleine expansion, il est légitime pour les citoyens de s’en préoccuper et du devoir du gouvernement d’y apporter les solutions qui s’imposent. Le Québec n’est pas le seul État à être confronté à ces enjeux. »

« Je viens du Maroc, un pays où l’islam est religion d’État. J’ai grandi dans la première ville musulmane à y avoir été fondée, au 7e siècle, par un descendant du prophète Mahomet. Son sanctuaire est depuis un lieu de pèlerinage où convergent, chaque année, des dizaines de milliers de fidèles. À l’appel de la prière, cinq fois par jour, les fidèles convergeaient vers la mosquée dans le recueillement, tout en piété et en sérénité. Les chants et la musique accompagnaient toutes les cérémonies, surtout durant le moussem, un festival religieux qui s’y tenait et se tient toujours, chaque été. Des groupes spirituels, de diverses confréries, s’y produisaient en procession, aux rythmes de la musique sacrée. L’islam de mon enfance et de ma jeunesse était synonyme de joie, de fête, de plaisir, de partage, de recueillement et de simplicité. À l’école coranique que j’ai fréquentée, jamais mon imam ne m’avait demandé de mettre un foulard, et encore moins ne m’avait enseigné que c’était une obligation religieuse. Le foulard était plutôt porté par les femmes de la génération de ma mère et de ma grand-mère, comme accessoire vestimentaire traditionnel, par modestie, par coquetterie, par goût ou par convenance, selon les circonstances. De ce vécu, dans un milieu traditionaliste imprégné de spiritualité et de ferveur sans excès, je garde un profond respect pour la foi sincère des croyant-e-s. Une expérience qui m’a amenée, au fil des ans, à bien distinguer ce qui est de l’ordre du religieux, et que je respecte, et ce qui est de l’ordre de l’instrumentalisation des religions, et que je combats. C’est parce que la liberté de religion est une valeur fondamentale qu’il faut la protéger contre les assauts des extrémistes qui cherchent à la pervertir pour imposer leur programme politique. C’est ce que j’ai fait à 16 ans, quand j’ai donné, au Maroc, ma première conférence publique sur la situation juridique de la femme en islam. Les contours de la laïcité s’esquissaient déjà dans mon esprit. Quel ne fut pas mon choc quand j’ai découvert, au Québec et au Canada, dès le milieu des années 1970, un islam vindicatif, vociférant la haine à l’égard des mécréants, juifs, chrétiens et surtout musulmans laïcs. Un islam où tous les interdits sont imposés aux femmes et tous les droits accordés aux hommes. C’est ici aussi que j’ai appris que la musique et la mixité hommes-femmes étaient haram (interdites). Par mes origines, je suis issue des Premières Nations d’Afrique du Nord, les Berbères (de leur vrai nom, Imazighen) qui avaient adopté, au fil des siècles, le christianisme, le judaïsme puis l’islam. Des personnages berbères ont laissé leurs empreintes dans les dynasties qu’ils avaient fondées, en Afrique du Nord, mais aussi dans les trois religions monothéistes. Ils ont ainsi donné au christianisme l’un de ses plus brillants esprits, Saint-Augustin, au judaïsme, la Kahina, reine des Aurès qui s’est dressée contre les invasions arabes au 7e siècle, et à l’islam, Tariq ibn Ziyad, gouverneur de l’Andalousie, dont Gibraltar porte encore le nom (Jabal Tariq, en arabe). Cette identité multiple me permet d’apprécier, sans complaisance, l’apport inestimable de chacune de ces trois traditions monothéistes, tout en dénonçant ouvertement les dérives qui les traversent. C’est ainsi que je me suis intéressée, très tôt, aux phénomènes religieux parce que les religions s’intéressent aux femmes et qu’elles sont porteuses de courants radicaux qui menacent leurs droits. Depuis 1985, je ne compte plus les conférences nationales et internationales que j’ai données ou organisées sur la laïcité, la neutralité religieuse de l’État, l’islam et le dialogue interreligieux, avec un constat sans appel : il n’y a pas de religion qui soit féministe. »

« Ce à quoi nous assistons depuis les dernières décennies, c’est à la montée en puissance d’un nouveau fascisme qui se drape d’une « légitimité religieuse » pour mieux saper les bases de la démocratie. C’est le cas des groupes djihadistes et salafistes violents qui se réclament de l’islam politique. Ils se drapent du droit à la liberté religieuse pour mieux détruire l’édifice des droits fondamentaux que la communauté internationale a mis plus de sept décennies à bâtir. La menace qu’ils font peser sur les démocraties est plus dévastatrice qu’on veuille bien l’admettre. Un combat que les Occidentaux peinent encore à cerner. L’un des remparts pour endiguer cette déferlante de la haine à l’égard des mécréants est de faire de la laïcité la pierre angulaire sur laquelle reposera le mieux vivre ensemble et un socle pour notre appartenance à une citoyenneté civique au-delà de nos différences. »

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